samedi 13 juin 2015

CHIRURGIEN : MÊME CELUI-LÀ IL FAUT L'EVITER !









Comment ça ? Non !!! il a osé ? Mais qui est-il ? un pendard ? un maraud ? Un coquin ?

C’est à cet instant précis que la foule se met en mouvement, massive, compacte, une et effrayante. Fourches et piques dressées vers le ciel en attente d’être abreuvées du sang dégoulinant de la tête tranchée du félon, du traître, d’el Traidor.

Mais s’il ne doit en rester qu’un seul face à la bête immonde, unique survivant de la liberté de penser , fier et droit sur mon immaculé destrier,  l’armure brillante, le heaume haut porté et symbole de mon courage et de ma valeur, le panache blanc de l’homme plus noble que tout ce que vous pourrez imaginer : fierté, intégrité, fidélité, liberté, ébriété, je serai celui-là.

S’il ne doit en rester qu’un pour affirmer que non, chirurgien n’est pas un métier recommandable, je serai encore celui-là. Le même d’ailleurs. Il ne peut y avoir qu’un seul celui-là, lui,  prophète de son temps, il sera bientôt suivi par des dizaines, des centaines, des milliers, des millions, et même des milliards si on compte les chinois.

Quitte à heurter, choquer , blesser. Le monde entier.

Mais dans la mesure où nous sommes pour l’instant entre nous, et bien je vais me contenter dans un premier temps de heurter les français, tous les français.

Tous les papas, toutes les mamans bavant de fierté lorsqu’un de leurs rejetons découpe son premier bidet.

Tous les enfants qui rêvent plus tard à leur tour de porter la blouse et de transpirer la prestance de celui qui un jour, après leur avoir oté les amygdales s’est approché du lit d’hôpital aux draps aussi soyeux qu’un costard en toile de jute , a jeté un coup d’œil rapide et maîtrisé sur des papiers ornés de courbes et tableaux fixés à une plaque métallique crochetée aux barreaux du lit, s’est repositionné la mèche d’un geste aérien et chaloupé, et s’est fendu d’un clin d’œil complice aggrémenté d’un sourire en coin pour recommander à l’enfant encore groggy des vapeurs des dérivés morphiniques qui feraient la joie de n’importe quel toxico de la Porte de la Chapelle : « et surtout, je compte sur toi pour manger beaucoup de glaces ! Allez, salut bonhomme , t’es mon pote ! »», re-clin d’œil, tape sur l’épaule du papa, petite œillade à la maman déjà totalement liquéfiée, et sortie théâtrale de la chambre.

Silence total.

Jean-Paul II ferait un passage éclair à l’église de Cracovie bras-dessus bras-dessous avec Bernadette Soubirou d’un côté et la main calée dans la poche arrière du Levi’s de la  Vierge Marie herself de l’autre, l’assistance serait moins coite. Oui, coite.

Tous les français rêvent de chirurgiens. Tous.

Les classes les plus aisées, cadre supérieur ou entrepreneur, pavillon à Neuilly, monospace familial + petite sportive pour se détendre, vacances au Cap d’Antibes, Cap Ferret, Cap Corse, Cap Riséfini, Cap Itèneflam, Saint Lunaire, d’une villa l’autre, d’un bateau l’autre, todd’s en daim bermuda beige chemise Figaret et cachemire Bompard sur les épaules.
Les classes les plus modestes en familles nombreuses débarquées du Nord Pas de Calais encartées CGT et RC Lens, boule à l’arrière de la Peugeot (la même boule qui casse les tibias quand on passe entre deux voitures garées pour traverser), maillot de foot kronenbourg short satin et claquettes Ribery.
Tous, tous en rêvent.

Et pourtant, et pourtant, et pourtant. Il y a le mythe, et la réalité.

Et nous savons tous au travers de nos brillantes lectures que du mythe à la réalité, il n’y a qu’un pas que seul un bistouri peut accomplir. Et ce, même si « le pas du bistouri » fait encore l’objet d’études pour le moment classées Secret Défense et c’est pourquoi je ne m’étendrai pas sur un tel sujet au risque de créer polémiques et tensions grammatico-ethno-diplomatico-écologiques qui n’ont rien à faire dans un ouvrage à l’intérêt inversement proportionnel à sa légèreté de ton et de thèmes, ou de thons et je t’aime.
Alors pourquoi ? why ? porque ? per che ? alach ? warum ? hvorfor ? neden ? dlaczego ? waarom ? bon on s’arrête là , je tiens à remercier les efforts et l’aide incommensurable de Google Traduction et WordReference de m’apporter leur soutien et leurs compétences non pour cette petite listouille internationale de « pourquoi », mais pour m’aider à traduire en français ce recueil dont j’ai écrit la mouture originale en latin mêlé de grec ancien pour les parties plus moqueuses car qui mieux que les anciens grecs pour apporter une touche d’humour au sérieux et à la rigueur du latiniste que je suis ? Qui ? Who ? Quien ? Shkoun ? STOOOOOOOP !!!!!

Tenterais-je de gagner du temps ? comme s’il n’était pas si facile d’expliquer à la vulgaire populasse qui représente un bon 68,4% du lectorat du torchon qui est en train de salir vos si fragiles petites menottes manucurées de bourgeois que chirurgien c’est un métier à la con. Et non, ce n’est pas facile.
Alors pourquoi ? (sobriété, langue française, Voltaire, Rousseau, Hugo, Zola, tout simplement).

1-     Le mythe

Le mythe , c’est pas compliqué, c’est un peu tout ce que vous voyez à la télé, dans Urgences, Grey’s anatomy, Private Practice, etc…

La scène :
Dans les vapeurs éthérées des couloirs sans âme de l’hôpital Central, un vacarme inquiétant vacarmait au croisement des services d’oncologie et de pédiatrie. Les pas cumulés du Professeur Brown, chirurgien émérite et de ses équipes hypnotisées par le regard , la vision et le savoir du professeur rappelaient avec un émoi non feint les vibrations sismiques ressenties pas les populations de Pompei avant leur fatal ensevelissement…

Le professeur Brown, la quarantaine troublante et le regard malicieux arpente quotidiennement les linos parfaits de cet hôpital modèle dans lequel tout le monde est beau, jeune, souriant, mais où chacun renferme une blessure, un malaise, une passion qui nourriront les intrigues palpitantes de chaque épisode.
Toutes les femmes du monde seront séduites par le professeur Brown, mais aussi par les professeurs White, Blue, Black, et Pink. Non, pas Pink, enfin si mais pas pareil, lui il sera le copain qu’elles rêvent toutes d’avoir.

Le professeur Brown , parfois Docteur Mamour, parfois juste Clooney sera l’idole des téléspectatrices, à la hauteur de l’agacement qu’il provoquera chez leurs maris.
Et cette extase n’a rien à voir avec un aspect purement médical de la question. Bien que comme nous le savons, toutes les femmes ont un don inné pour la médecine. Nous les hommes devons, avant de nous permettre d’émettre un avis médical, un vague diagnostic, une ébauche de posologie, passer par une dizaine d’années d’études.

Les femmes non, chez elles, la médecine est aussi évidente que la marche à pied l’est pour nous, simple affaire de logique et de bon sens. Un médecin ne sera bon que s’il partage le diagnostic pré-établi à la maison. Sinon, il faut en changer, c’est un tocard. Seul le chirurgien, qui aura confirmé le diagnostic et passera à l’action aura grâce aux yeux des femmes. Car le domaine du scalpel et du sang échappe, de peu certes, à leur domaine de compétence.

Mais ce n’est pas tout. Alors que nous, les hommes, après nos 7 ans de médecine, pour acquérir une spécialisation, devons re-signer pour 3 à 5 ans d’étude, il en est une étonnante que les femmes acquièrent spontanément en 9 mois : la pédiatrie.

Un phénomène extraordinaire qui peut transformer une femme totalement déconnectée de la chose médicale et encore plus pédiatrique, en grande ponte (sans mauvais jeu de mots) de la spécialité.
Une période de 9 mois, du constat de la grossesse à l’accouchement, qui suffit pour qu’à la naissance du bébé, la maman sache exactement et bien mieux que quiconque et en particulier son mari, tous les soins qui doivent être prodigués à son enfant. Quitte à changer de pédiatre au deuxième mois de l’enfant, car évidemment, une maman en sait plus que n’importe quel pédiatre diplômé sur ce dont son nouveau-né a besoin comme soins.

En résumé et avec très peu de mauvaise foi  : 9 mois passés à se sentir soit moche et grosse soit belle et épanouie, à regarder son ventre grossir dans un miroir, à avoir éventuellement quelques nausées, à lire des magazines et des livres débiles de psychologie pour enfants et mamans qui feraient passer Katherine Pancol pour Marguerite Duras, à discuter aveceu les copineu pendant des heures en imaginant les lendemains qui chanteront (brailleront plutôt), à critiquer le futur papa alors qu’il n’a encore rien fait - ce qui est justement critiquable , il ne porte pas l’enfant lui - à s’ennuyer, à vouloir le cas échéant continuer à travailler jusqu’au dernier moment pour se prouver quelque chose…mais se prouver quoi…on ne sait toujours pas, bref, 9 mois comme ça et vous ressortez avec un diplôme de pédiatrie.

Nous de notre côté, si nous passons les mêmes 9 mois à se regarder dans le miroir et à se trouver un peu bedonnants, à gerber dans tous les coins parce qu’on aura aussi passé pas mal de temps avec les copains, à lire des bouquins débiles et des magazines de foot et de bagnoles, à critiquer sa femme parce qu’être enceinte de 3 mois n’empêche pas automatiquement de porter le sac où il y a le pain de mie en revenant du supermarché, et à aller bosser en râlant le matin, et bien je peux vous garantir qu’on ne sortira diplômé de rien, à part éventuellement le diplôme du connard égoïste. Un diplôme qui se mérite certes, mais un diplôme peu reluisant.
Inégalité des sexes…

Pour en revenir aux chirurgiens après cette petite digression vaguement polémique mais totalement machiste, ce que les femmes admirent chez ces hommes c’est qu’ils regroupent exactement tout ce dont une femme rêve lorsqu’elle fait le portrait robot de l’homme idéal, bref, pas nous :

Un homme brillant
Une profession indiscutable, incritiquable, magnifiquement porteuse de statuts dans les salons    
mondains
Un homme avec de l’esprit
Mais un homme mûr, avec de lourdes responsabilités, un homme sur qui on peut s’appuyer, une épaule
réconfortante
Un côté artiste, un peu enfant et plaisantin parfois, héritage de l’école de médecine
Des revenus conséquents
Un homme qui attise les convoitises de tant d’autres femmes, qu’il faut donc protéger, défendre, il
faudra lutter pour le garder
Un homme avec sa part de mystère, ses blessures, ses douleurs lorsqu’il perd un patient, douleur que
les autres ne peuvent pas comprendre
Un homme qui peut à tout moment se transformer en héros, au milieu d’un carambolage, dans un
avion, n’importe où n’importe quand
Et surtout , un homme sain, un saint.

En résumé, tout ce que nous ne sommes pas, mais c’est sans importance, car en réalité cet homme n’existe pas.

Bref, pour revenir à nos blouses cathodiques (blues cathodiques pour nous les hommes), tout ce que vous verrez dans ces séries et faux. A part l’aspect médical, particulièrement bien étudié avec de vrais médecins dans les studios hollywoodiens. Ce que vous confirmeront vos femmes qui , en chœur avec Gregory House, vous affirmeront elles-aussi que tels symptômes ne peuvent bien entendu ni être un lupus, ni un Huntington, et encore moins un Barnstacker.

2- Tout le reste est faux, la preuve, et c’est cela la réalité:


Non, tous les chirurgiens ne sont pas quadragénaires et professeurs, charmants, physique de rêve, il y en a plein de moches.

Non, lorsque vous êtes chirurgien, toutes les infirmières ne rêvent pas forcément de coucher avec vous, et même si c’est le cas, toutes ne sont pas jeunes et jolies, n’importe quelle expérience en tant que patient le confirme. Le fantasme de la splendide infirmière suave et goulue, probablement nue sous sa blouse, qui vient vous prodiguer quelques soins avec une sensualité extrême est souvent vite balayé par Marie-Françoise, la blouse moulante et pourtant c’est du XXL,  qui se grouille de vous refaire le bandage parce qu’il est 15h50 et que son RER part à 16h22 pour Montgeron  où l’attendent ses chats et son gros mari.

De plus, il est aussi faux de penser que toutes les infirmières sont donc jeunes et jolies et vivent dans des villas de 500 m2 à flanc de colline sur les hauteurs de St Trop’ comme dans Sous le Soleil.

Non , en tant que chirurgien vous ne pratiquerez pas uniquement des opérations hyper compliquées, hyper sensibles, qui demandent des heures d’intervention, la peur, la crainte, puis l’admiration sans limites de tout le corps médical car jamais une telle opération n’avait réussie auparavant. La plupart de vos journées se limiteront à des consultations exagérément facturées pour payer le crédit de votre loft dans le 7ème et à des interventions banales (appendicites, fractures, anneaux gastriques, varices , nouveaux seins, enlarged pénis, etc…) que vous abattrez dans l’indifférence générale à un rythme de fordiste des années 30 enfermé dans un bloc opératoire sinistre et froid avec une charlotte bleue sur la tête en lieu et place des bandanas bigarrés totale fashion des chirurgiens des séries.

Non vous ne logerez pas dans un immense appart’ où tout le monde va et vient dans une ambiance très Friends , ou encore dans un bus réaménagé en haut d’une colline qui domine la ville , peut être même que vous aurez une femme, des enfants, des obligations, des petites joies, des petites peines, des crises de couple, des moments heureux, bref une vie normale quoi .

Non vous ne finirez pas toutes vos journées dans le bar super sympa du coin à boire des coups avec vos potes chirurgiens, puisque vous aurez peut être aussi envie de rentrer chez vous et de passer du temps en famille.


Non vous ne vivrez pas forcément à Los Angeles, Boston, Seattle, Paris, Londres, Tokyo ou Berlin, peut être serez vous chirurgien orthopédiste au CHU du Havre. C’est possible, ça peut arriver, il y en a.

Pour toutes ces raisons et avant de vous engager dans une voie que vous sentez sans limites dans la jouissance de la vie, réfléchissez à deux fois.


Mais ce n’est pas tout.

Savez-vous ce que le chirurgien découvre chaque jour ? ce qu’il trouve à l’intérieur de nous  ?

Certes le prestige est immense, c’est ce que vous, chirurgiens,  recherchez avant tout.
Et la fierté, se regarder dans la glace et se dire : « aujourd’hui, j’ai sauvé des vies », en pensant à ces milliers d’individus sans intérêt qui , lorsqu’on leur demande si leur travail revêt pour eux une importance folle et représente un intérêt commun fort,  répondent : « Oh vous savez, on sauve pas des vies non plus ».

Et bien vous si. Vous sauvez des vies.

Mais à quel prix ?

Est-ce que les gens savent ce que vous vivez à découper des corps toute la journée ?

Est-ce que le public se souvient seulement de ces témoignages d’hommes qui revenant des champs de bataille ne se souvenaient que de cette odeur insupportable de corps éventrés.

Car le corps humain pue à l’intérieur, déjà les faibles masses d’air qui en réchappent par derrière nous font grimacer. Imaginez la différence entre l’odeur du souffre d’une allumette que l’on craque et pénétrer une mine de souffre.

Nous parlons de la même chose, et ne croyez pas que ce soit ce maigre masque en papier-tissu qui change quoi que ce soit.  Le même que celui du dentiste . Si je devais être chirurgien, c’est en scaphandre que j’exercerais !

Physiquement ce boulot est horriblement éprouvant et avant de recoudre, il faut couper, fouiller, triturer, coller, agrafer, visser, déplacer, éviscérer, le tout dans une odeur de poissonnerie en grève en période de canicule au sud de l’Inde.

Alors après on s’étonne que vous puissiez oublier des trucs à l’intérieur. Mais c’est normal ! Nous vous comprenons.

Nous comprenons aussi que votre métier est ingrat et qu’aujourd’hui on ne s’étonne plus de vos prouesses : « oh ça va une appendicite, tu coupes, t’enlèves, tu recouds » dit celui qui n’est même pas capable de recoudre un bouton à sa chemise.

En revanche, vos échecs ne sont jamais pardonnés et vous pouvez vite vous retrouver poursuivis, injuriés, crachés, condamnés, mis au ban parce qu’à un moment, vous avez raté.

Car si vous sauvez des vies, il peut vous arriver d’en ôter, ce sont les risques du métier, mais ça, personne ne vous le pardonne.
Voilà un métier qui souffre des avancées technologiques car l’apport de l’humain est de plus en plus dévalorisé.

Pourquoi croyez vous que House est diagnosticien et Mamour chirurgien en neurologie ? Parce que cela reste des métiers à part dans la chirurgie, et si vous n’en faites pas partie, vous souffrirez toujours la comparaison avec ceux là. L’échec ne vous sera jamais pardonné, et vous aurez une vie à la con, loin de ce que vous aurez imaginé.

Il sera toujours moins prestigieux de couper des hémorroïdes à un quinquagénaire dont vous sauvez réellement les quarante prochaines années , que d’ôter une tumeur dans le cerveau d’un homme qui ne survivra que 2 ans.
C’est comme ça.


Donc ne risquez pas d’être déçu, ne devenez pas chirurgien.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire