dimanche 14 juin 2015

ATTACHEE DE PRESSE : UN METIER PARFAIT POUR PASSER POUR UNE CONNE !



Généralement, lorsque une personne plus âgée que vous vous demande quel métier vous faites, que vous répondez, et que votre interlocuteur vous dit : « c’est très bien, c’est une très bonne école »… c’est pas bon signe.

Ou plutôt si, c’est le signe que vous exercez un vrai métier à la con.

Exemple : tout directeur commercial d’un grand groupe confortablement assis dans son gros fauteuil en cuir, la café délicatement posé par son assistante sur le coin de son bureau de maroquin, la cravate bombée aux courbes du ventre rebondi de ses agapes professionelles, expliquera à n’importe quel jeune lui racontant qu’il est commercial pour des encyclopédies en vente directe au porte à porte sur la région Nord-Picardie que c’est très bien, une très bonne école.  Ben alors vas-y, fais le si c’est bien !

Le cadre de chez Renault expliquera au jeune qui arrive à la chaine , à Flins, que c’est une très bonne école de la vie.

Tout ceci n’est rien qu’un réflexe corporatiste de base qui veut que toute personne en ayant vaguement bavé dans sa vie avant de réussir passablement, ne supporte pas de voir un jeune avoir la possibilité de réussir au moins aussi bien  sans être passé par la case « j’en chie ».

Et d’annoncer donc dans toute sa magnanimité que c’est bien, qu’il faut en passer par là dans la vie pour connaître la valeur des choses, et qu’un stage ouvrier est formidable parce que l’on se retrouve face à une réalité et à fréquenter des gens vrais , qui ont des vrais problèmes.

Mais alors pourquoi vous ne les voyez plus ces gens vrais, ces gens formidables, ces gens honnêtes, et pourquoi vous préférez passer votre temps entre golf et cigares avec des gens moins vrais ? Allez, arrêtons de dire n’importe quoi.

Mais ça fait bien dans les dîners mondains d’être celui qui a vécu un temps parmi les gueux.

Est-on obligé de passer 2 ans dans une caravane pour bien jouer de la guitare ? ça peut servir, mais ce n’est pas obligatoire. Jimi Hendrix n’a jamais vécu dans une caravane, alors que Raphaël est né dans une caravane alors il est parti en voyage allez viens tudutu tudututu tudututu ouh ouh ouh ouh tudututu.

Comme quoi ce n’est vraiment pas obligatoire.

On retrouve ce même symptôme de l’ancien, donneur de leçons de vie, avec ceux qui ont fait leur service militaire. Ils auront toujours quelque chose en plus, entre eux, par rapport à ceux qui ne l’ont pas fait. Et ils ressortiront les bons vieux poncifs du « ça te forme quand même un homme », « moi à l’arrivée ça m’a fait du bien », « au moins ça te donnait un cadre », et le meilleur est peut être le  :
« A l’armée, tu as la possibilité de rencontrer des gens que tu n’aurais jamais rencontrés ailleurs »
Je l’ai faite l’armée. Et c’est vrai, mais je me permettrai juste de rajouter quelques petits mots à cette affirmation :
« A l’armée, tu as la possibilité de rencontrer des gens que tu n’aurais jamais rencontrés ailleurs, mais franchement, c’est pas grave  »

Et donc, pour revenir à notre sujet, lorsque vous évoluez dans les métiers de la communication, il est un métier qui déclenche quasi systématiquement la même réaction (quand il ne déclenche pas de sourire gêné), qui porte le « ah c’est bien, très bonne école » très haut, c’est attachée de presse.

Alors attention, de quoi parlons nous ? de qui parlons-nous ?
Des caricatures plus ou moins drôles des attachées de presse totalement poufiasses qui baignent dans le show biz ou en rêvent  ? Non, ne sombrons pas dans ces exagérations même si celle d’Elie Kakou était très drôle et certainement pas si éloignée de la vérité . Mettons de côté ces attachées de presse. Et si vous, jeune lectrice, votre but est de devenir attachée de presse dans le showbiz, alors…alors je ne sais pas quoi dire. Je suis triste.

Non, nous parlons de la grande majorité des attachées de presse. (petite précision, en raison de la sur-représentation féminine dans cette branche, cette approche sera traitée au féminin . Et tant pis pour les garçons).

Attachée de presse est certes une bonne école, mais c’est surtout un vrai métier. Il existe même des écoles pour devenir attachée de presse. L’EFAP est la plus célèbre, l’Ecole Française des Attachées de Presse, et pas mal d’écoles de communication proposent des filières de spécialisation.

Mais alors qu’y apprend-on ? En quoi consiste réellement ce métier ? Qu’est ce qu’une attachée de presse ?


Définition : L’attachée de presse est un fusible bon marché placé entre un directeur marketing et une armée de journalistes.

Le directeur marketing attend de l’attachée de presse qu’elle réussisse à convaincre les journalistes de parler de son produit, son lancement, sa nouveauté. Il espère avoir un article élogieux sur son produit. L’avantage : ce n’est pas de la pub, le journaliste fait un article sur le produit, c’est gratuit.

L’attachée de presse est donc missionnée pour convaincre les journalistes d’écrire un article, positif bien sûr, sur un produit de son client.
Alors, forcément, lorsqu’il s’agit de la dernière merveille technologique, design épuré, performances exceptionnelles, ça va.

Lorsqu’est en cause le dernier saucisson à l’ail enrichi d’un procédé chimique qui garantit qu’après quelques heures de sommeil on ne se réveille pas avec une haleine de coréen un lendemain de mariage, alors là c’est plus compliqué.

Et je n’évoque même pas la possibilité d’être appelée pour promouvoir auprès de journalistes forcément passionnés le dernier traitement censé adoucir les irritations du groin des porcs d’élevage.

Et ça arrive. Comment le journaliste pourrait savoir que ça existe si personne ne lui a communiqué l’information ?

Donc, d’un côté  :  les directeurs marketing qui n’ont aucun respect pour vous car vous ne leur faites pas dépenser beaucoup d’argent. Car le directeur marketing aura toujours plus de crainte et d’attention pour le président de son agence évenementielle qui lui organisera une soirée à 300 000 pour des retours sur investissement inquantifiables et certainement nuls, que pour son attachée de presse qui aura trimé tel un soudeur haveur de la famille Rougon-Macquart et offert sur un plateau d’argent d’inespérés articles en presse spécialisée et peut-être même, fait d’armes exceptionnel, une citation dans un journal télévisé regardé par plusieurs millions de français. Le tout bien sûr pour une somme misérable équivalente aux honoraires chaque année rabotés et versés à la bourse comme un chevalier donne à un paysan du haut de son fier destrier.

Et de l’autre côté, les journalistes.

Mais attention, on ne parle pas ici des journalistes d’investigation, des reporters qui parcourent le monde pour nous inonder d’images dramatiques et qui se font prendre en otage avec leurs accompagnateurs, d’enquêteurs qui passent des jours et des nuits à démêler les ficelles des financements occultes des partis politiques au risque de rencontrer de gros problèmes ou pire, de rencontrer sur le pas de leur porte un inspecteur des impôts, comme par hasard .

Non, nous évoquons cette branche de la profession journalistique dont on se demande ce qu’ils avaient en tête le jour où ils ont décidé de s’inscrire dans une école de journalisme. Des professionnels qui sont aussi proches des prix Pulitzer ou Albert Londres que Cali l’est de John Lennon.

Albert Londres qui en voyant cette meute de profiteurs avides de cadeaux et avantages doit regretter d’avoir dit : « Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ». Non, il ne parlait pas des mêmes.

Les attachées de presse sont en contact quotidien avec les journalistes les pires, ceux des rubriques « Conso » des magazines,  que nous évoquerons brièvement dans le chapitre « Journalistes », ainsi que des journalistes de toutes les presses spécialisées.

Pire, les attachées de presse sont obligées de cirer les godasses et de flatter ces journalistes pour qu’ils daignent placer un produit dans une de leurs rubriques pourries.

Nous sommes quand même face à des journalistes qui estiment avoir de l’importance et du pouvoir parce qu’ils mettent en avant les produits des agences de Relations Presse les plus assidues, les plus généreuses, les plus souriantes dans la rubrique conso d’un magazine de merde !

Ils vous font croire que d’un point de vue éditorial, il est particulièrement délicat pour eux, par rapport au contrat de lecture qu’ils ont avec leur lectorat et à la cible particulièrement sensible en ce moment à tous les problèmes énergétiques et écologiques du réchauffement climatique, d’écrire 4 lignes sur un nouveau brumisateur aux légères effluves de coco parce que les cocotiers sont en voie de disparition au nord de la Guinée et quand on est journaliste, on a une conscience !...
« En revanche, pas de soucis pour le saucisson aigre-doux ou le balai à chiottes ergonomique. Totalement dans l’air du temps.  Mais toi, attachée de presse, tu n’es pas journaliste, tu ne peux pas comprendre, je pense que t’es trop conne en fait. »
« ok, merci beaucoup, je compte sur toi pour le saucisson et le balai alors ? Génial ! »
Génial…A quoi tient le bonheur parfois dans la vie…

Votre calvaire ne se limitera pas aux débiles prétentieux des rubriques conso, vous aurez aussi droit…aux journalistes de presse professionnelle, toute la presse spécialisée professionnelle…Et quand vous allez vous retrouver à devoir convaincre le rédacteur en chef d’un des titres de presse professionnelle suivants : Porc Magazine, Eleveurs de Lapins Magazine, Reussir Bovins, Entretien Magazine, Planète Béton, Référence Carrelage, Papier Carton Magazine, Valeurs Boulangères, Nouvelles Esthétiques, Fluides et Transmissions, Tôlerie Magazine, Diabète et Obésité Magazine, Bus et Car Magazine, etc… (NDLA : tous existent !), et bien non seulement vous allez en prendre un gros coup sur votre fierté, mais aussi vous allez vous dire que vous ne faites pas le pire métier, finalement.












Malgré tout, vous serez de toute façon coincée comme une pièce de métal dans un étau entre votre client qui vous méprise et les journalistes qui profitent du fait que sans leur bienveillance, vous n’êtes rien.
Vous ne serez rien sans vos fichiers de journalistes. La liste exhaustive de tous ces planqués dans des rédactions confortables. Et vous n’aurez jamais assez de temps pour réactualiser vos fichiers, ils sont votre graal.

Vous allez vraiment en baver. Et en plus, en dehors du travail, lorsque l’on vous demandera ce que vous faites dans la vie, vous serez prise pour une quiche alors que vous ne le méritez pas.

Une fois votre chemin de croix accompli, que vous vous serez faite renverser des seaux de lisier sur les bottes et sur la tête par vos clients et les journalistes, que l’on vous aura reproché de n’avoir pas réussi à faire en sorte que le 20h de TF1 n’évoque même pas le nouveau collier anti-puces spécial caniches nains, vous pourrez prendre un peu de distance, aller dans des voies plus intéressantes,  vous travaillerez éventuellement sur des stratégies de marques, de l’évènementiel,  vous aurez franchi un cap dans votre carrière. Vous rencontrerez des jeunes qui veulent bosser dans la communication… S’il vous plaît, ne leur dites pas : « vas-y, passe par les relations presse, c’est une super école ! »

Non, définitivement,  ne devenez pas attachée de presse !





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