Et si vous étiez
quelqu’un de bien ? Si vous étiez une personne formidable qui au moment de
choisir sa voie a décidé de balayer d’un revers de la main les horribles mots
« gain », « profit », « hiérarchie »,
« capitalisme sauvage » ?
Si votre vocation était l’humanitaire ?
Quelle belle
voie . Quel courage de dédier sa vie aux autres, d’accomplir des
miracles pour que se dessine un sourire sur le visage marqué d’un être en
souffrance. Grâce à vous, uniquement à vous.
Comment peut-on vouloir
faire autre chose de sa vie ? Quels monstres d’égoïsme sont alors tous les
autres ?
Attention, la décision
n’est pas anodine, c’est un engagement presque définitif, sauf si malins comme
vous êtes, vous réussissez après une telle expérience à vous valoriser auprès
de futurs employeurs sur les valeurs de courage, don de soi et solidarité. Un
peu cynique mais bon, pourquoi pas.
La décision est
prise ? c’est parti ? Alors adieu rêves de fastes et de dorures,
d’hôtels de luxe et d’airport lounges, d’interminables buffets de petits
déjeuners et mules douces et molletonnées dans le placard, à disposition . Et
en avant pour l’aventure, une vie dédiée aux autres, une vie qui rendra fières
toutes vos relations, fera sangloter votre maman à l’évocation de votre
héroïsme car déjà petit vous prêtiez vos jouets au fils de la gardienne !
Mais ne vous emballez
pas, tous les engagements humanitaires ne se valent pas et il va falloir
trouver votre place. Il ne s’agit pas de parader dans les couloirs de la fac
avec un pull trop long informe, un chèche et des leçons de morale et de bonne
conscience à dispenser à tous ceux qui auraient l’outrecuidance d’aspirer à une
vie égoïste et hédoniste.
Etes vous seulement
capable, assez fort pour pouvoir affronter les contraintes et les engagements
d’une vocation humanitaire ?
Etes-vous capable
d’intégrer une organisation qui s’inscrira quoiqu’il arrive dans une de ces 3
catégories :
1/ Humanitaire de faux cul :
C’est celui de la bonne
conscience, celui qui ne vous obligera pas à faire de votre vie une dévotion
idéologique aux autres, un humanitaire bon tein et bon ton. Vous pourrez doser
votre engagement au gré de vos envies, de vos besoins en bonne conscience et
surtout de votre emploi du temps. Il vous permettra en outre de pouvoir
raconter vos exploits, ou mieux, de faire semblant de ne pas avoir envie de les
raconter mais de vous arranger pour que quelqu’un d’autre s’en charge.
De plus, cet engagement
humanitaire vous permet de rester cantonné à votre région, votre département et
même votre commune si vous le souhaitez.
Il est très couru parce
qu’il est sur-représenté dans les médias et toutes les personnalités ayant eu
droit à au moins 4 photos dans Voici ou Closer s’y collent et sont même prêtes à offrir un Euro par album
vendu à la cause, leur cause.
Et vous, anonyme au cœur
gros comme ça, vous pouvez l’espace d’une action être comme Gregoire, Mimmie
Mathy, Zazie, Zaz, même pas Zizi Jeanmmaire, Amel Bent ou Bruel, et tous les
autres qui ne supportent pas de voir des gens avoir faim, d’autres être
pauvres, certains les deux même ! Ces magnifiques, ces justes, sont prêts à offrir leur talent pour
apparaître dans un album qui sera vendu à plusieurs millions d’exemplaires,
participer à un show qui rassemblera plus de 10 millions de téléspectateurs
lors de sa diffusion sur TF1 , et surtout, surtout ne pas considérer cette
participation comme une formidable mise en lumière et une aide majeure à un
bond de leur côte de popularité auprès des français. Non, certainement pas, on
ne soupçonnera jamais une maison de disques ou un producteur de considérer ces
moments d’exposition exceptionnels comme une étape idéale pour la promotion
d’un artiste. Non, jamais, c’est mal de penser ça.
Et donc vous, vous
pourrez aussi être bénévole pour les Restos du Cœur ou accompagner les
volontaires de la Croix Rouge pendant leurs marraudes, offrir du café et du
réconfort aux clochards , comme Adriana .
Vous pourrez arriver en
retard à vos dîners dans des immeubles cossus du 7ème arrondissement
et rater le débouchage du Veuve Cliquot 87 sans que personne ne vous en veuille
car vous faites preuve de tellement de courage.
Hier encore vous avez vu
des pauvres et leur avez parlé. Aujourd’hui vous avez porté un caddie plein de
conserves de cassoulet et des pâtes Panzani aux Restos. Demain vous irez au
Zenith soutenir l’action des Restos et bénéficierez d’un clin d’œil complice de
La Fouine car vous portez le badge «volontaire».
Vous êtes un
enfoiré, une enfoirée, vous faites partie de la grande famille des enfoirés.
La France vous a très
vite adulés, vous, les enfoirés modèles, même si au démarrage de la tournée les
caissières de la FNAC en avaient un peu assez que trop de clients leur
demandent des places pour « La tournée des enculés » (anecdote véridique !).
Demain, vous refuserez
quand même poliment la sollicitation d’une dame qui s’occupe de personnes âgées
seules et Helzheimer dans un foyer aux conditions d’hygiène douteuses en raison
du manque de moyens car vous ne pouvez pas vous occuper de tout. Et qu’Hélène
Segara et Garou ne sont pas là en plus.
Et jamais vous ne vous
poserez la question : « Mais pourquoi, alors que des centaines
d’associations ont besoin de soutien d’image et de soutien financier, pourquoi
toutes les têtes d’affiche se rassemblent autour d’une seule et même
cause ? Pourquoi Garou par exemple, qui a lui une présence média
importante et n’a pas besoin des Restos pour exister, contrairement à d’autres,
pourquoi ne va-t-il pas s’engager pour une cause sans soutien ? »
Donc si vous faites
partie de cette catégorie, et que vous voulez vous acheter une bonne conscience
sociale, côtoyer des stars et pas trop vous impliquer, vous avez le choix entre
les Restos, la Croix Rouge, et le Sida dont le port du ruban est aujourd’hui
plus valorisant que celui de la rosette.
2/Humanitaire bobo en afrique :
Ba-ba-car, où es-tu où
es-tu ?
Le voilà le vrai bon
vieil humanitaire des années 80 et 90 !!!! Celui qui s’est fait
ringardiser par les Restos alors qu’entre Band Aid, l’Ethiopie, les méga
concerts, les tubes internationaux, on avait tout ! Mais la recette a été
piquée par les Restos, moins engageant de rester en France que d’aller risquer
de se faire piquer par un moustique gros comme un albatros dans un village de huttes
et de choper un SRAS ou un Ebola.
Mais c’est encore
possible et vous aurez encore une reconnaissance énorme de votre milieu
d’origine si vous allez construire des écoles, creuser des puits ou assainir
des rivières en Afrique.
Même si vous tomberez
toujours à votre retour sur le connard qui sait tout, prêt à tuer s’il trouve
une rayure sur sa Carrera , mais qui vous fera la leçon en vous expliquant
qu’il vaudrait mieux leur apprendre à pêcher plutôt que de leur donner du
poisson.
Mais vous le faites
quand même, par périodes, vous partez quelques semaines, plusieurs mois, et
vous revenez différent. Vous avez compris le sens de la vie. Vous pouvez
facilement vous frédériclopezizer maintenant. Vous avez des choses à raconter.
Vous avez fait
l’Afrique.
Vous vous êtes mis en
danger quand même ! c’est sérieux l’Afrique ! un jour on vous a dit
qu’un léopard trainait dans le quartier et vous avez même croisé une milice
armée !
Quand vous êtes parti,
les enfants du village couraient après la voiture jusqu’aux grilles du Sofitel
pour vous dire au revoir.
C’était beau.
La faim dans le monde ,
ça vous révolte. Mais vous savez quoi ? Ce qui est terrible pour
vous ? Le problème de la famine existe toujours, mais il est largement
passé de mode. Un peu comme un clip de France Gall.
3/ LE vrai
humanitaire insoutenable :
Exemple 1 : Les
clowns des hôpitaux, véritables héros des temps
modernes, intermittents qui prennent sur leur temps pour accomplir cette
insoutenable tâche consistant à faire rire des enfants dont certains n’ont plus
que quelques jours à vivre. Et qui ont comme temps médiatique le millionième
des candidats de Secret Story. Et les présidents de TF1, France 2 ou M6 se regardent encore dans leur
miroir.
Exemple 2 : Passer
sa vie dans un mouroir en Inde, et là…on est plus
proche de Georges Romero que de l’Abbé Pierre, croyez-moi.
Attention, là, on touche
au graal de l’humanitaire, le truc qui te retourne le bide en moins de deux.
C’est pas un clodo bourré Avenue Montaigne ou une famille de maliens enflés par
un vendeur de sommeil. Ici, on parle d’un autre niveau, c’est la Champion’s
league de l’horreur, Les Oscar du désespoir.
C’est pas du petit
moignon sympathique qu’on serait prêt à câliner, c’est du gros bras coupé, pas
désinfecté depuis quelques semaines au cas où par 38° et 75% d’humidité ça
pourrait s’arranger, et gardé au frais part 25000 petits vers tout blancs qui
présentent l’avantage de bouffer les peaux mortes et qu’il va falloir nettoyer,
désinfecter, panser. Je panse donc j’essuie.
Les fers à repasser, c’est
pas du Rowenta bien glissant après 2-3 pschitts de Fabulon bien dosés pour
chemise de cadre moyen, c’est deux vieux fers en fer qui servent d’appui pour
compenser l’absence de guiboles. Et ne croyez pas que c’est l’exception, y en a
une légion de culs-de-jatte devant la porte du dispensaire , avec un bruit on
croirait entendre arriver la cavalerie du Général Custer sur du bitume, tous là
pour se faire refaire les pansements, et hop, encore du moignon bien durci.
Le mec qui débarque avec
ses deux bras et ses deux jambes il est regardé de traviole comme si un mec
venait chercher à bouffer aux Restos du Cœur en Lamborghini. Et
pourtant,celui-là, il a un œil qui pendouille parce qu’il est sorti de son
orbite après une rixe au sujet d’une pomme qui avait été partagée plutôt deux
tiers que fiftififti.
Du centenaire
incontinent et coprophage, du morveux affamé, du quadra lépreux qui voit ses
doigts tomber comme des Herta dans un hachoir, des mecs qui ont cru bon de se
désaltérer en buvant l’eau du Gange et qui se retrouvent avec le foie comme une
passoire et des parasites gros comme des rats dans le bide… J’en passe et des
plus séduisants.
Et vous, pompier de
l’horreur, vous serez là en vous demandant comment vous avez pu hurler à la
mort quand vous vous êtes cogné le petit doigt de pied à l’armoire en vous
levant un mois plus tôt (même s’il faut
admettre que cette douleur est insoutenable et que le lépreux, sans armoire ni
doigts de pieds ferait bien parfois de considérer le verre à moitié plein),
ou que vous avez engueulé votre femme parce qu’à chaque fois qu’elle revient de
la laverie automatique, sur vos 12 paires de chaussettes, 6 sont rentrées
seules (il faut dire qu’il s’agit là d’un
vrai mystère plus étrange que Roswell et le triangle des Bermudes réunis).
Alors, et seulement
alors, lorsque vous aurez passé une partie de votre vie aux côtés de ces
malheureux, vous pourrez dire : je fais de l’humanitaire. D’ailleurs vous
savez quoi ? vous n’en parlerez même pas, vous.
4/ La Défense des animaux : ça ne
compte pas, c’est pas de l’humanitaire, de l’animalitaire éventuellement. Mais
ça ne rentre pas dans la catégorie des métiers à ne pas faire, au contraire.
ALORS CHOISISSEZ VOTRE PROPRE COMBAT !
Si vous voulez vraiment
donner un sens à votre mission humanitaire et n’avez pas le courage d’aller
œuvrer à Calcutta, alors de grâce, soyez originaux, inventez l’humanitaire du
XXIème siècle, inventez vous des missions pour ceux qui en ont aussi besoin,
les petits africains s’en sortiront même sans votre bienveillance, les bras des
lépreux des mouroirs de Calcutta tomberont , que vous y accoliez votre
sparadrap ou pas.
2 exemples de causes non
défendues :
Aidez les spectateurs
présents sur les plateaux des émissions de télé à sortir de leur addiction à
vouloir passer à l’écran derrière des sous-stars dont ils applaudissent les moindres vannes avec
entrain pour obéir au chauffeur de salle, comédien raté qui en rajoute pour
être repéré par les invités en place qui s’en tapent puisqu’ils sont les seules
personnes qui les intéressent.
Si la vanne n’est pas
drôle, c’est pas grave, on applaudit.
Si elle est vaguement
drôle, et qu’en plus s’y est caché un petit jeu de mots qui fait donc penser
que l’invité est drôle , connu ET lettré (il a lu un livre quoi), alors là
c’est applaudissements + « ooohhhhhh ».
Si la vanne est vraiment
très drôle, pas de différence avec la vanne pas drôle, on applaudit.
Et alors s’il n’y a pas
de vanne mais qu’un acteur, ou mieux, un humoriste, s’énerve et prend la parole
sur un sujet de société qu’il condamne, sur lequel il ne lâchera rien, et s’il
doit n’en rester qu’un pour se soulever et monter des barricades, ce sera lui,
comme par exemple la pauvreté, la guerre, le racisme, l’antisémitisme, le
fascisme même , alors là c’est standing, applause, émotion, moue révélatrice de
la réflexion « quel courage ! ».
Ou alors, autre combat
humanitaire à mener, aidez les grands par exemple !
Personne ne fait rien
pour les grands ! Vous vous rendez compte de la difficulté d’être grand
dans la vie?
A tous les niveaux !
Il faut passer sa vie à se baisser, on ne peut plus entrer dans les voitures
urbaines type Smart sans devoir accomplir un numéro de contortionniste ,
les enfants vous prennent pour Robert Wadlow 2,72m dans le Guiness Book, vous
passez votre enfance avec des copains trop petits et des pantalons trop courts,
vous gênez tout le monde au cinéma et dans les concerts, on vous prend
systématiquement dans les équipes de basket alors que vous n’aimez pas
forcément ce sport, au foot on vous met direct dans les buts, et si en plus
vous êtes gros, allez hop, en mêlée, vous vivez un calvaire dans les avions des
compagnies low costs, vous pénalisez vos parents qui n’ont plus aucun argument
pour vous obliger à manger de la soupe,
et surtout, les gens vous parlent de votre taille, en permanence,
pensant que c’est une chance.
Tous ces désagréments,
les petits ne les connaissent pas.
Vous avez déjà vu des
personnes dire à une autre de petite taille qu’ils croisent dans un
magasin : «Ouh la laaaaa ! qu’est ce que vous êtes petiiiiiit !
C’est incroyable d’être aussi petit, vous mesurez combien ? Vous devez
être fort … Boyard !!!!! Warf
warf warf ! ça va je plaisante ! ». Cela n’arrive jamais.
Alors que pour les
grands, systématiquement on les met face à leur handicap : « Ouh la
laaaaa ! qu’est ce vous êtes grand ! Vous mesurez combien ? Vous
jouez au basket ? Il fait beau là-haut ? Tu viens faire un tour…
Montparnasse ? warf warf warf ! », et ça, le grand le vit chaque
jour.
Alors pourquoi pas aider
les grands ?
Bref, votre humanitaire,
choisissez-le bien.
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