A priori,
pharmacien est un métier respectable.
D’ailleurs, les pharmaciens sont respectés.
Il y a de quoi, les pharmaciens, en plus d’être
souvent des substituts à nos médecins généralistes se muent souvent en
assistants sociaux.
Le pharmacien, c’est le nouveau médecin de campagne.
Celui à qui on se confie. Celui à qui l’on raconte toutes ses petites misères.
Et même les grandes . Surtout les grandes misères, celles des autres de
préférence. C’est pas un curé non plus le pharmacien, il est capable de répéter
lui ! Alors autant parler des hémorroïdes du voisin que de ses propres
varices.
Le pharmacien se doit d’être patient. Très patient.
Presque aussi patient que celui qui fait la queue dans son officine en
attendant son tour derrière une personne âgée.
Là, ça peut prendre des heures.
Déjà parce que la personne âgée se pointe forcément
avec une ordonnance longue comme le casier judiciaire d’Al Capone.
Ensuite parce que cette respectable personne,
forcément très seule dans notre civilisation qui place l’ancien dans une
posture d’élément perturbateur du bonheur, a très envie de parler à quelqu’un
de ses malheurs. Ou des malheurs de ceux qui l’entourent.
Or, dans le quartier, le boucher n’a pas le temps
d’écouter et comprend forcément de travers lorsque l’on parle de foie, de
côtes, de tripes ou de travers justement ; le boulanger est de toute façon
en avance de 2 ou 3 clients par rapport à celui qu’il sert (je suis sidéré par
cette capacité qu’ont les boulangers à demander à la personne suivante ce
qu’elle veut alors que vous n’avez ni votre baguette ni votre monnaie dans la
main) ; et le banquier …on a pas envie de se confier à ces gens là,
même à la Poste, c’est dire…
C’est donc au pharmacien que revient l’infime
honneur de se plier à cet exercice qui consiste à écouter pendant des heures et
des heures les complaintes de nos anciens. Ce qui lui permet d’être largement
payé en retour en remplissant abusivement les sacs marqués du caducée. Ce petit
sac tout doux sur lequel se toisent et s’enroulent le serpent d’épidaure (bon
comme la campagne) et la coupe d’Hygie qui a la particularité de transformer le
poison en remède.
Medecins zélés, pharmaciens et patients sont
complices et participent au gouffre abyssal de notre bonne vieille sécu mais
bon, on leur doit bien ça à nos parents et grands parents. Quoique juste donner
le bon nombre de cachets prévus au traitement serait déjà un poste d’économies
conséquentes. Quand on doit prendre un cachet par jour pendant 13 jours,
n’est-ce pas un peu exagéré de nous vendre 2 boites de 12?
Une fois le sac rempli et l’argent encaissé, ce bon
vieux pharmacien, qui n’arrive pas à se débarrasser de cette bonne vieille
Raymonde qui vient chaque jour faire un point complet sur toutes ses
articulations en attendant du commerçant un remède miracle, commence à arborer
son air gêné en vous jetant de petits coups d’œil complices , vous attendez
juste derrière. Car vous, pressé et pas dans votre assiette, attendez pour une simple boîte de Doliprane ou de Vitamine C, ou
juste parce que votre petiot a une gastro et il vous faut un truc d’urgence,
car ce petit morveux a fait tomber sa dernière tétine dans le bac à sable plus
infesté de microbes qu’un hérisson vivant dans une décharge.
Vous le sentez, ce pauvre pharmacien, il ne peut rien faire, il est coinçé,
il n’en peut plus mais il a prêté serment, le serment de Galien . Même pas
celui d’Hippocrate.
Mais tout ça n’est pas grave, il est heureux le
pharmacien, il a la belle vie malgré tout, c’est pas si compliqué son boulot.
Si on résume, la vie du pharmacien se répartit de la
manière suivante :
1/ Délivrer des médicaments en suivant ce que le médecin a écrit sur
l’ordonnance tout en essayant de refourguer du générique, activité qui se
résume en une recherche dans les gros tiroirs de pharmaciens, ou mieux, en
tapant le nom des médocs sur l’ordinateur et ils arrivent tout seuls via un
tube relié à la réserve : 60% du
temps de travail (dont 20 à 30% de temps perdu à écouter les vieux).
2/ Vendre de l’aspirine quand un client dit qu’il a mal à la tête, de
l’Actifed quand il a le nez pris (de Godard), de l’Immodium ou de l’Ercefuryl
quand le client a le temps de venir jusqu’à l’officine, de la Citrate de
Betaine quand le client arrive avec les yeux jaunes, de l’Oscillocoscinum quand
il arrive aussi tôt, du parapoux
ou du Toplexil, bref, tout ce qui est en vente sans ordonnance : 30%
3/ Vendre des déodorants, des capotes, des bouchons d’oreille, des
pastilles pour garder l’haleine fraiche, du dentifrice, des crèmes solaires ou
crèmes hydratantes simples, etc… 8%
4/ S’occuper de blessés ou toxicos qui entrent dans la boutique et leur
prodiguer les premiers soins. Aaaahhhhhh ! enfin de l’action ! :
1%
5/ User de son savoir scientifique pour concocter des crèmes et des
onguents aux formules panoramixiennes : 1%.
Ce qui nous fait donc 98 % de choses que nous
serions tous capables d’accomplir à moins d’être incapable de se servir d’un
terminal de paiement de carte bleue, et 2% de missions vraiment compliquées
pour des gens comme nous. Sans le
diplôme.
Avec à la clef des marges confortables car étant quasiment
le seul habilité à vendre la plupart des médicaments, pour l’instant, il se
fait bien plaisir sur les marges.
Le partenaire de vos vacances |
Donc voilà un commerce rentable, pas trop compliqué
à priori car tout le monde est capable de vendre une crème Neutrogena a celui
qui arrive avec les mains sèches , et pas trop fatiguant non plus (déjà parce
que les clients qui entrent sont normalement un peu malades donc affaiblis et
en plus ils gobent à peu près tout ce qu’on leur raconte, pas de contestation
mon gars, la blouse, elle est sur mon dos à moi alors ça signifie que J’AI
raison !).
Génial !!! on a trouvé le métier idéal !
Allons tous ouvrir notre officine de pharmacien, maman quand je serai grand je
serai apothicaire !
Tut tut tut !!!!! pas si vite !!!!
Pour avoir le droit de refourguer du Smecta ou de
l’eau précieuse, de discuter pendant des heures avec des vieux, de se faire
braquer par des toxicos ou de dire à de jeunes filles un peu trop minces que
l’anorexie c’est pas bien, il faut le mériter .
Je m’explique :
Après le bac, entre 6 et 9 ans d’études.
Au programme des réjouissances :
Chimie, chimie organique, biochimie, chimie
physique, chimie minérale ;
biologie moléculaire, biologie cellulaire, biologie
animale, botanique ;
physique, mathématiques, anatomie, pharmacie galénique
ou encore santé publique et droit
économique.
Ça c’est le hors d’œuvre de la première année.
Ensuite, passons sur les stages en officine où vous
allez devoir ranger des cartons de médicaments à longueur de journée pour avoir
le droit de montrer votre bouille fatiguée au comptoir vêtue de cette
magnifique blouse blanche flanquée du sigle « STAGIAIRE » en Tahoma
258 pour bien que tout le monde sache que vous n’êtes rien.
Il faudra ensuite s’intéresser aux matières
pharmaceutiques comme la galénique, la chimie thérapeutique, la pharmacologie,
la pharmacie clinique, la pharmacognosie, la toxicologie et d’autres matières
biologiques ou chimiques spécialisées (bactériologie, virologie, parasitologie,
hématologie).
Bref, tout ça pendant minimum 6 ans , qui comme par
hasard sont les années entre 18 ans et 24 ans, c’est à dire les années où on ne
rêve que de ça, et maximum 9 ans, soit jusqu’à 27 ans.
Quelle jeunesse…
Alors recherchons l’explication de tout ça. Est-ce
qu’un pharmacien est comme un kiné, c’est à dire un médecin raté ? Pardon
les kinés, je vous aime beaucoup mais on est d’accord que vous avez tous tenté
médecine, me trompe-je ?
Si tel est le cas, pourquoi faire autant d’années
d’études qu’un médecin pour n’être qu’un simple commerçant et faire chier
les gens qui veulent un antibiotique parce qu’ils ont 40 ans et qu’ils savent
bien qu’un petit Clamoxyl leur dégonflera les ganglions mais qu’ils n’ont pas
le temps de passer chez le doc pour avoir une ordonnance ?
Sans parler des moments d’humiliation : Quand on
demande dans un avion ou dans un lieu public en situation d’urgence :
Y a-t-il un médecin parmi vous ? Et que vous répondez : moi, je suis
pharmacien ! Tout le monde se marre… C’est une vie ça ?
Pourquoi gâcher sa jeunesse en apprenant, entre
autres, les grands principes de la
pharmacognosie ?
Ça fait 2 fois que nous abordons cette spécialité,
alors comme j’imagine que bon nombre d’entre vous ignore de quoi il
s’agit , la pharmacognosie ,
c’est l’étude de ce qu’il y a dans les plantes en poison, venin ou
drogues. Il y a les drogues végétales, ça on voit bien ce que c’est, on
connaît. Mais il existe aussi dans la nature des drogues animales !… et
oui mesdames et messieurs, des drogues animales, et ça, c’est la
zoopharmacognosie (256 points au Scrabble !). La zoopharmacognosie… Il
existe des drogues animales et on ne le savait pas. Chers amis camés du monde,
il est peut être possible de se faire des rails de grenouille, des shoots de
zèbre ou de se rouler des pétards au poil de macaque. Et sans la
zoopharmacognosie, vous seriez restés comme des crétins toute votre vie à vous
demander si l’afghane est meilleure que la pakistanaise ou que la
tonkinoise . Le champ des
possibles devient bien plus large que n’importe quel champ de pavot !!!!
VIVE LA ZOOPHARMACOGNOSIE !!!!! (si vous voulez
en faire un tshirt, prévoyez uniquement du XXL).
Bref, à moins de vraiment vouloir se pourrir la vie,
et quitte à bosser dans le commerce et gagner de l’argent avec son petit
bouclard, autant vendre des fringues. Vous n’aurez qu’à glisser une petite
boîte de Strepsil à vos clients en cadeau quand ils auront l’air d’avoir mal à
la gorge.
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