Parmi les passionnés de football, tous ces enfants
qui rêvent de fouler les pelouses les plus prestigieuses du monde, il existe 3
catégories de personnes :
2/ Ceux qui resteront à vie dans les tribunes ou devant leur télé. Manque
de talent, de chance, de volonté. Le résultat est le même. Mais ça ne les
empêchera pas de vivre au travers de leurs idoles une passion intacte. Qu’ils
regardent un match en tribune présidentielle entourés de businessmen et de
people ou qu’ils soient seuls dans leur pavillon , une bière dans une main,
l’autre occupée à un ballscratching fort à propos devant un spectacle aussi
populaire, ils partagent tous le même moment.
3/Et enfin, il existe une troisième catégorie. Ceux qui ont cette passion
du football, ne pourront jamais être joueurs, refusent de ne jamais fouler une
pelouse de première division, et décident donc de devenir arbitres.
Recadrons le débat.
Les arbitres
sont tous officiellement amateurs. Arbitre reste donc une vocation et non un
métier.
Tous nos arbitres de Ligue 1 (la première division
en football, celle qui réunit les meilleures équipes françaises) ont un métier
à côté. Généralement un métier qui leur permet d’avoir pas mal de temps libre
pour pouvoir s’entraîner et partir en déplacement pour arbitrer sur toutes les
pelouses de France , avec un peu de chance d’Europe, et le graal, en Coupe du
Monde. Ils sont donc dans l’ensemble fonctionnaires. Ben oui, forcément.
S’ils sont amateurs, ce n’est pas un métier me
direz-vous. Et il n’y a aucune raison valable que je les incorpore dans cet
ouvrage me signalerez-vous. A moins qu’il ne s’agisse d’un vulgaire petit
caprice de ma part histoire de parler football dans ce livre
m’interpellerez-vous.
A tout cela je
répondrai : FAUX !
Permettez-moi de considérer de manière unilatérale
et…arbitraire qu’une activité qui nécessite une formation, des entrainements,
des qualités naturelles, et qui rapporte à ceux qui la pratiquent environ 100
KE par an mérite d’être qualifiée de métier.
Arbitre de football de Ligue 1 (les autre sports ne
rapportent pas autant, et donc nous pouvons considérer leurs arbitres comme des
amateurs poussant loin leur hobby), est donc un métier.
Mais alors
c’est le rêve ce metier !
Certes , on gagne moins que les footballeurs. Mais
cela n’a aucune espèce d’importance car de toute façon jamais on aurait pu
devenir footballeur .
Mais alors il est possible, sans talent de
footballeur, et sur une durée souvent plus longue que la carrière d’un
footballeur, de vivre les mêmes
émotions que les footballeurs ? Je peux vivre les mêmes moments que Zidane
ou Messi ?
Il est possible de courir en plein match sur les
pelouses du Parc des princes à Paris, du Vélodrome à Marseille, de stades
français mythiques comme Bollaert à lens, Lescure à Bordeaux, ou Geoffroy
Guichard à Saint Etienne ?
Et en étant vraiment bon, je peux imaginer un jour
vivre le frisson d’Anfield à Liverpool, du Camp Nou de Barcelone ou du Westfallen
Stadion de Dortmund et son mythique mur jaune de supporters ?
D’avoir la larme à l’œil quand le kop d’Anfield
reprend en chœur You’ll never walk alone ?
Et d’être acteur de tout ça tout en étant
payé ? Sans savoir jouer au foot ?
Parce que prendre 100 KE pour ça, avec en plus les
défraiements payés, c’est quand même la belle affaire.
Alors qu’est ce qu’il faut faire pour devenir
arbitre ?
Déjà, naturellement, il faut avoir un certain sens
de l’autorité, savoir se faire respecter.
Entre nous, c’est un peu ce point qui fait la
différence entre les bons et les mauvais.
Il y a ceux qui ont une autorité et un charisme
naturels.
Et les petits chefaillons qui viennent évacuer
toutes leurs frustrations en filant des cartons à des mômes arrogants et
surpayés.
Mais bon, il faut aimer être un peu flic. Il faut
l’admettre. Pourquoi pas.
Ensuite il faut passer des diplômes et passer par
toutes les divisions.
Bon, c’est pas non plus le concours de polytechnique
mais les règlements du football ne sont pas si simples que ça.
Mais je vous rappelle que nos candidats sont des
passionnés, c’est beaucoup plus facile quand même !
Ils le disent d’ailleurs : « on a pas le
même maillot, mais on a la même passion ». Vous voyez !
Et donc après avoir galéré 4-5 ans tous les week ends
à arbitrer des divisions inférieures, si vous n’êtes pas trop mauvais, vous
pouvez arriver enfin en Ligue 1.
Et voilà. C’est fait. Vous êtes arbitre. Vous faites
gaffe à ne pas oublier vos cartons et votre sifflet, vous vous pointez au
match, vous vivez votre passion au milieu des joueurs, au centre du terrain
dans un stade bondé, vous vivez l’ambiance dont vous avez toujours rêvée, et
voilà.
Bon alors la
vie est belle, c’est un top métier arbitre !
Pensez-vous…
Vous connaissez l’histoire du conte de fées qui se
termine en catastrophe ? Une catastrophe qui se répète chaque semaine et
fait de chacun de vos week ends un moment pourri ? A croire que vous aimez
tellement en prendre plein la gueule que vous pourriez aller vous faire
attacher à un mât dans une boîte SM, ce serait plus sympa ?
Parce que la réalité de l’arbitre est la suivante.
Et là vous allez voir que vous ne vivez pas du tout,
mais alors pas du tout votre passion comme les joueurs ou les supporters.
Et que finalement votre catégorie est peu enviable.
Déjà il va falloir vous entrainer comme un athlète
de haut niveau : course, muscu, course, muscu, course, muscu, bref, que
des trucs sympas.
Car contrairement au joueur de foot qui court et se
muscle, vous n’avez pas besoin de vous amuser de temps en temps avec un ballon.
De toute façon vous n’avez pas le droit de jouer le soir du match alors autant
courir. Et se muscler.
Ensuite, vous n’êtes jamais chez vous. Chaque week
end un nouveau déplacement.
Par exemple, on vous envoie…à Sochaux. Aaaaaah , il
se présente bien le week end à Sochaux.
Bon, c’est pas grave, c’est une passion.
La première surprise, c’est que vous ne voyagez pas
seul.
Dès le départ, on vous colle deux juges de touche
qui vont vous accompagner jusqu’au bout.
Déjà les arbitres, c’est pas folichon, mais alors
qu’est ce qu’il peut y avoir de plus sinistre pour passer un week end que deux
juges de touche ?
Si vous connaissez quelqu’un qui un jour vous a
dit : « j’ai dîné hier soir chez un pote juge de touche, putain
qu’est ce qu’on s’est marrés ! », merci de me faire signe. Mais je
pense pouvoir rester tranquille un moment.
Donc vous prenez le train avec eux. En seconde bien
entendu. Les défraiements, c’est pour les secondes.
Ensuite vous arrivez dans cette belle ville de
Sochaux, berceau des usines Peugeot, et vous atterrissez dans un hôtel minable
en bordure d’autoroute, un hôtel propret et fonctionnel certes, mais un élément
supplémentaire évident de déprime .
Et vous n’avez pas le choix.
Non seulement la fédération ne va pas commencer à
payer des palaces à tous les arbitres de France, mais en plus vous ne pouvez
pas vous permettre de planter vos deux nouveaux amis des bords de touche qui
eux n’auraient pas les moyens de se payer mieux que le Mister Bed du coin. Juge
de touche, c’est pas un métier.
Bon, c’est toujours pas très grave tout ça.
Car enfin, vous passez à l’action ! Vous mettez votre tenue de pingouin,
bien que les pingouins de Ligue 1 ont tendance ces dernières années à chamarrer
le thème avec du jaune, du rose, du rouge, etc…. Donc, vous mettez votre short
noir, vos chaussettes noires, et votre maillot bien flottant jaune. Flottant
parce que contrairement aux joueurs, vous avez le droit à la petite bedaine
vous.
Vous n’oubliez pas votre montre chronomètre, votre
sifflet, vos cartons et votre petit carnet pour noter le nom de ceux à qui vous
allez distribuer vos cartons, vous vérifiez qu’Arnold et Willy n’ont pas oublié
leurs drapeaux respectifs et….
Et là c’est parti. ACTION !!!
Action…
Le premier truc que vous avez à faire en arrivant au
stade, quand les joueurs tapent déjà dans le ballon à l’échauffement et que le
public s’installe, c’est remplir des tonnes de papiers administratifs et
recopier à partir des licences les noms de tous les joueurs des deux équipes.
Sachant que tous ne s’appellent pas Papin ou Boli,
mais que vous pouvez avoir droit à des Türkyïlmaz ou des Dobrowolski qui
méritent déjà 2-3 Doliprane.
Ensuite, vous vérifiez avec vos deux acolytes une
bonne quarantaine de paires de crampons et enfin…le match commence !
ACTION !!!!
Vous parlez d’action… Vous avez à peine eu le temps
d’entrer sur la pelouse, de prendre place au milieu du terrain, de jouer à pile
ou face avec les deux capitaines, et de vous débarrasser de vos deux morpions
qui n’auront pas le droit de pénétrer sur l’aire de jeu, que vous entamez une
première période de 45 minutes à vous faire siffler et traiter d’enculé par une
foule qui peut osciller entre 5-6000 et 70 000 personnes.
Permettez-moi de justifier cet écart de
langage :
En effet, désolé pour les plus jeunes lecteurs, mais
il est vrai que la dimension sodomite est très présente dans les stades. A
croire que les détracteurs disent vrai et que les supporters de foot sont
d’énormes refoulés frustrés qui prennent tant de plaisir à regarder s’affronter
deux dizaines d’hommes que ça en devient louche. Et qui en plus n’arrêtent pas
de traiter tout le monde d’ « enculé » sans raison apparente. Le
meilleur moment étant quand le gardien de but prend son élan pour taper dans le
ballon et que tous crient en chœur : « Oooooooooooh Hisse !
Enculéééééé !!!! ». Déjà dans le stade c’est assez ridicule, vous
conviendrez qu’écrit ce n’est pas mal non plus.
Poursuivons.
Comme si ça ne suffisait pas, dès que vous prenez
une décision, vous avez une bande de mômes de 20-25 ans qui, en plus de prendre
en un mois ce que vous percevez en un an,
viennent vous pourrir la vie en vous encerclant pour vous faire
comprendre que justement vous ne comprenez rien et que vous feriez mieux de
vous acheter des lunettes , voir un chien et une canne, ou juste d’apprendre à
jouer au football.
Mais oh !!!! Si vous êtes là c’est justement
parce que vous ne savez pas jouer au foot !!!!! Sinon vous seriez
joueur ! Evidemment !
Y a-t-il dans les cours d’école des mômes qui au
milieu de ceux qui hurlent en début de match « moi je suis
Ronaldo ! » , « moi je suis Zidane ! » , « moi je
suis Messi », « moi je suis Drogba !!! », essaient de
placer « Moi je suis Monsieur Poulard ! »…?
C’est rare, très rare, très très rare…
Mais c’est la vie, et je rappelle que l’arbitre est
en pleine action en ce moment !
Pfffiiiiouuuuuut !!!!! mi-temps. Aaaaah…un peu
de repos.
Du repos ? Et vous voilà partis pour 15 minutes
barricadé avec vos deux croque-morts dans un réduit au fond du couloir à vous
faire insulter par les entraineurs et les présidents des deux équipes qui vous
promettent qu’avec leurs relations à la fédé, vous allez certainement passer le
reste de vos jours à arbitrer Sucy-en-Brie contre Saint-Saturnin-Les-Ambielles,
en 43ème division de district.
Alors autant y retourner, allez hop, c’est reparti
pour 45 minutes.
Les mêmes que les 45 premières, ne rêvez pas non
plus !
En cas de litige, vous pouvez être sûrs d’être
escorté par 2 cars de CRS pour rentrer à votre hôtel, et là, pas question
d’aller s’en jeter un petit dans un bar du coin. C’est soirée pyjama avec
Heckle et Jeckle devant les Experts Concarneau.
Enfin le lendemain tout s’est un peu calmé. Il ne
s’agit que de sport. Ce n’est qu’un jeu. C’est pas si important tout ça.
Alors vous reprenez le train avec vos deux boulets
avec qui finalement vous avez sympathisé. Eux aussi se sont fait insulter. Et
comme ils sont proches des tribunes ils ont aussi reçu des bouteilles en
plastique et des mollards. Ça soude une équipe ça !
Direction home sweet home… vous vous installez
confortablement dans le train du retour avec l’Equipe et là, vous découvrez
avec bonheur qu’il paraît que vous êtes un énorme tocard et que toute la France
se fout de votre gueule. Et c’est drôle, ils disent la même chose dans tous les
journaux que vous avez achetés !
A Lyon, l'orthographe est en option... |
Et accessoirement, votre femme et vos enfants sont
susceptibles de tomber sur ces articles . Ce qui laisse augurer d’un retour
triomphal à la maison.
Et dès le lundi vous repartez pour une semaine de
boulot aux services voierie de votre commune avec vos collègues qui se marrent
en vous voyant , et la semaine d’après, nouvelle convoc’…alors ?
Votre femme est attentive, elle vous accompagnerait
bien à Monaco, à Nice ou à Paris…
« Alors Chéri ? »
« Génial, Lens ! le Stade
Bollaert !!! ses supporters incroyables !!! son ambiance mythique et
le public qui chante « Les corons » de Pierre Bachelet à la mi-temps,
les larmes aux yeux ! »
« Chéri ? »
« Oui
mon amour »
« Je te
quitte ».
Mais bien sûr qu’une femme d’arbitre quitte son
arbitre de mari !!!
Vous avez déjà rencontré une femme qui vous a
dit : « J’ai passé la nuit avec un arbitre, tu peux pas t’imaginer ce
que j’ai vécu, c’était IN-CROY-ABLE !!! »
Non, je ne pense pas.
Donc si vous aimez vraiment le football et que vous
n’avez pas le niveau, achetez plutôt un grand écran et un canapé bien
confortable.
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