samedi 13 juin 2015

ARBITRE DE FOOT : UN MÉTIER POUR FOOTBALLEUR RATÉ




Parmi les passionnés de football, tous ces enfants qui rêvent de fouler les pelouses les plus prestigieuses du monde, il existe 3 catégories de personnes :
 1/ Ceux qui vont y arriver et devenir des joueurs de foot professionnels. Certains gagneront des dizaines de millions, d’autres bien moins, mais c’est sans importance, tous auront en commun d’avoir accompli un rêve d’enfant et d’avoir eu raison de sacrifier une partie de leur jeunesse.

2/ Ceux qui resteront à vie dans les tribunes ou devant leur télé. Manque de talent, de chance, de volonté. Le résultat est le même. Mais ça ne les empêchera pas de vivre au travers de leurs idoles une passion intacte. Qu’ils regardent un match en tribune présidentielle entourés de businessmen et de people ou qu’ils soient seuls dans leur pavillon , une bière dans une main, l’autre occupée à un ballscratching fort à propos devant un spectacle aussi populaire, ils partagent tous le même moment.

3/Et enfin, il existe une troisième catégorie. Ceux qui ont cette passion du football, ne pourront jamais être joueurs, refusent de ne jamais fouler une pelouse de première division, et décident donc de devenir arbitres.




Recadrons le débat.

Les arbitres sont tous officiellement amateurs. Arbitre reste donc une vocation et non un métier.
Tous nos arbitres de Ligue 1 (la première division en football, celle qui réunit les meilleures équipes françaises) ont un métier à côté. Généralement un métier qui leur permet d’avoir pas mal de temps libre pour pouvoir s’entraîner et partir en déplacement pour arbitrer sur toutes les pelouses de France , avec un peu de chance d’Europe, et le graal, en Coupe du Monde. Ils sont donc dans l’ensemble fonctionnaires. Ben oui, forcément.
S’ils sont amateurs, ce n’est pas un métier me direz-vous. Et il n’y a aucune raison valable que je les incorpore dans cet ouvrage me signalerez-vous. A moins qu’il ne s’agisse d’un vulgaire petit caprice de ma part histoire de parler football dans ce livre m’interpellerez-vous.

A tout cela je répondrai : FAUX !

Permettez-moi de considérer de manière unilatérale et…arbitraire qu’une activité qui nécessite une formation, des entrainements, des qualités naturelles, et qui rapporte à ceux qui la pratiquent environ 100 KE par an mérite d’être qualifiée de métier.
Arbitre de football de Ligue 1 (les autre sports ne rapportent pas autant, et donc nous pouvons considérer leurs arbitres comme des amateurs poussant loin leur hobby), est donc un métier.

Mais alors c’est le rêve ce metier !

Certes , on gagne moins que les footballeurs. Mais cela n’a aucune espèce d’importance car de toute façon jamais on aurait pu devenir footballeur .

Mais alors il est possible, sans talent de footballeur, et sur une durée souvent plus longue que la carrière d’un footballeur,  de vivre les mêmes émotions que les footballeurs ? Je peux vivre les mêmes moments que Zidane ou Messi ?

Il est possible de courir en plein match sur les pelouses du Parc des princes à Paris, du Vélodrome à Marseille, de stades français mythiques comme Bollaert à lens, Lescure à Bordeaux, ou Geoffroy Guichard à Saint Etienne ?

Et en étant vraiment bon, je peux imaginer un jour vivre le frisson d’Anfield à Liverpool, du Camp Nou de Barcelone ou du Westfallen Stadion de Dortmund et son mythique mur jaune de supporters ?

D’avoir la larme à l’œil quand le kop d’Anfield reprend en chœur You’ll never walk alone ?

Et d’être acteur de tout ça tout en étant payé ? Sans savoir jouer au foot ?
Parce que prendre 100 KE pour ça, avec en plus les défraiements payés, c’est quand même la belle affaire.

Alors qu’est ce qu’il faut faire pour devenir arbitre ?

Déjà, naturellement, il faut avoir un certain sens de l’autorité, savoir se faire respecter.

Entre nous, c’est un peu ce point qui fait la différence entre les bons et les mauvais.
Il y a ceux qui ont une autorité et un charisme naturels.
Et les petits chefaillons qui viennent évacuer toutes leurs frustrations en filant des cartons à des mômes arrogants et surpayés.
Mais bon, il faut aimer être un peu flic. Il faut l’admettre. Pourquoi pas.

Ensuite il faut passer des diplômes et passer par toutes les divisions.

Bon, c’est pas non plus le concours de polytechnique mais les règlements du football ne sont pas si simples que ça.

Mais je vous rappelle que nos candidats sont des passionnés, c’est beaucoup plus facile quand même !
Ils le disent d’ailleurs : « on a pas le même maillot, mais on a la même passion ». Vous voyez !

Et donc après avoir galéré 4-5 ans tous les week ends à arbitrer des divisions inférieures, si vous n’êtes pas trop mauvais, vous pouvez arriver enfin en Ligue 1.

Et voilà. C’est fait. Vous êtes arbitre. Vous faites gaffe à ne pas oublier vos cartons et votre sifflet, vous vous pointez au match, vous vivez votre passion au milieu des joueurs, au centre du terrain dans un stade bondé, vous vivez l’ambiance dont vous avez toujours rêvée, et voilà.

Bon alors la vie est belle, c’est un top métier arbitre !

Pensez-vous…

Vous connaissez l’histoire du conte de fées qui se termine en catastrophe ? Une catastrophe qui se répète chaque semaine et fait de chacun de vos week ends un moment pourri ? A croire que vous aimez tellement en prendre plein la gueule que vous pourriez aller vous faire attacher à un mât dans une boîte SM, ce serait plus sympa ?

Parce que la réalité de l’arbitre est la suivante.

Et là vous allez voir que vous ne vivez pas du tout, mais alors pas du tout votre passion comme les joueurs ou les supporters.

Et que finalement votre catégorie est peu enviable.

Déjà il va falloir vous entrainer comme un athlète de haut niveau : course, muscu, course, muscu, course, muscu, bref, que des trucs sympas.

Car contrairement au joueur de foot qui court et se muscle, vous n’avez pas besoin de vous amuser de temps en temps avec un ballon. De toute façon vous n’avez pas le droit de jouer le soir du match alors autant courir. Et se muscler.

Ensuite, vous n’êtes jamais chez vous. Chaque week end un nouveau déplacement.

Par exemple, on vous envoie…à Sochaux. Aaaaaah , il se présente bien le week end à Sochaux.

Bon, c’est pas grave, c’est une passion.

La première surprise, c’est que vous ne voyagez pas seul.

Dès le départ, on vous colle deux juges de touche qui vont vous accompagner jusqu’au bout.

Déjà les arbitres, c’est pas folichon, mais alors qu’est ce qu’il peut y avoir de plus sinistre pour passer un week end que deux juges de touche ?

Si vous connaissez quelqu’un qui un jour vous a dit : « j’ai dîné hier soir chez un pote juge de touche, putain qu’est ce qu’on s’est marrés ! », merci de me faire signe. Mais je pense pouvoir rester tranquille un moment.

Donc vous prenez le train avec eux. En seconde bien entendu. Les défraiements, c’est pour les secondes.

Ensuite vous arrivez dans cette belle ville de Sochaux, berceau des usines Peugeot, et vous atterrissez dans un hôtel minable en bordure d’autoroute, un hôtel propret et fonctionnel certes, mais un élément supplémentaire évident de déprime .

Et vous n’avez pas le choix.

Non seulement la fédération ne va pas commencer à payer des palaces à tous les arbitres de France, mais en plus vous ne pouvez pas vous permettre de planter vos deux nouveaux amis des bords de touche qui eux n’auraient pas les moyens de se payer mieux que le Mister Bed du coin. Juge de touche, c’est pas un métier.

Bon, c’est toujours pas très grave tout ça.

Car enfin, vous passez à l’action !  Vous mettez votre tenue de pingouin, bien que les pingouins de Ligue 1 ont tendance ces dernières années à chamarrer le thème avec du jaune, du rose, du rouge, etc…. Donc, vous mettez votre short noir, vos chaussettes noires, et votre maillot bien flottant jaune. Flottant parce que contrairement aux joueurs, vous avez le droit à la petite bedaine vous.
Vous n’oubliez pas votre montre chronomètre, votre sifflet, vos cartons et votre petit carnet pour noter le nom de ceux à qui vous allez distribuer vos cartons, vous vérifiez qu’Arnold et Willy n’ont pas oublié leurs drapeaux respectifs et….

Et là c’est parti. ACTION !!!

Action…

Le premier truc que vous avez à faire en arrivant au stade, quand les joueurs tapent déjà dans le ballon à l’échauffement et que le public s’installe, c’est remplir des tonnes de papiers administratifs et recopier à partir des licences les noms de tous les joueurs des deux équipes.
Sachant que tous ne s’appellent pas Papin ou Boli, mais que vous pouvez avoir droit à des Türkyïlmaz ou des Dobrowolski qui méritent déjà 2-3 Doliprane.

Ensuite, vous vérifiez avec vos deux acolytes une bonne quarantaine de paires de crampons et enfin…le match commence !

ACTION !!!!

Vous parlez d’action… Vous avez à peine eu le temps d’entrer sur la pelouse, de prendre place au milieu du terrain, de jouer à pile ou face avec les deux capitaines, et de vous débarrasser de vos deux morpions qui n’auront pas le droit de pénétrer sur l’aire de jeu, que vous entamez une première période de 45 minutes à vous faire siffler et traiter d’enculé par une foule qui peut osciller entre 5-6000 et 70 000 personnes.



Permettez-moi de justifier cet écart de langage :
En effet, désolé pour les plus jeunes lecteurs, mais il est vrai que la dimension sodomite est très présente dans les stades. A croire que les détracteurs disent vrai et que les supporters de foot sont d’énormes refoulés frustrés qui prennent tant de plaisir à regarder s’affronter deux dizaines d’hommes que ça en devient louche. Et qui en plus n’arrêtent pas de traiter tout le monde d’ « enculé » sans raison apparente. Le meilleur moment étant quand le gardien de but prend son élan pour taper dans le ballon et que tous crient en chœur : « Oooooooooooh Hisse ! Enculéééééé !!!! ». Déjà dans le stade c’est assez ridicule, vous conviendrez qu’écrit ce n’est pas mal non plus. 




Poursuivons.

Comme si ça ne suffisait pas, dès que vous prenez une décision, vous avez une bande de mômes de 20-25 ans qui, en plus de prendre en un mois ce que vous percevez en un an,  viennent vous pourrir la vie en vous encerclant pour vous faire comprendre que justement vous ne comprenez rien et que vous feriez mieux de vous acheter des lunettes , voir un chien et une canne, ou juste d’apprendre à jouer au football.

Mais oh !!!! Si vous êtes là c’est justement parce que vous ne savez pas jouer au foot !!!!! Sinon vous seriez joueur ! Evidemment !

Y a-t-il dans les cours d’école des mômes qui au milieu de ceux qui hurlent en début de match « moi je suis Ronaldo ! » , « moi je suis Zidane ! » , « moi je suis Messi », « moi je suis Drogba !!! », essaient de placer « Moi je suis Monsieur Poulard ! »…?

C’est rare, très rare, très très rare…

Mais c’est la vie, et je rappelle que l’arbitre est en pleine action en ce moment !

Pfffiiiiouuuuuut !!!!! mi-temps. Aaaaah…un peu de repos.

Du repos ? Et vous voilà partis pour 15 minutes barricadé avec vos deux croque-morts dans un réduit au fond du couloir à vous faire insulter par les entraineurs et les présidents des deux équipes qui vous promettent qu’avec leurs relations à la fédé, vous allez certainement passer le reste de vos jours à arbitrer Sucy-en-Brie contre Saint-Saturnin-Les-Ambielles, en 43ème division de district.

Alors autant y retourner, allez hop, c’est reparti pour 45 minutes.

Les mêmes que les 45 premières, ne rêvez pas non plus !

En cas de litige, vous pouvez être sûrs d’être escorté par 2 cars de CRS pour rentrer à votre hôtel, et là, pas question d’aller s’en jeter un petit dans un bar du coin. C’est soirée pyjama avec Heckle et Jeckle devant les Experts Concarneau.

Enfin le lendemain tout s’est un peu calmé. Il ne s’agit que de sport. Ce n’est qu’un jeu. C’est pas si important tout ça.

Alors vous reprenez le train avec vos deux boulets avec qui finalement vous avez sympathisé. Eux aussi se sont fait insulter. Et comme ils sont proches des tribunes ils ont aussi reçu des bouteilles en plastique et des mollards. Ça soude une équipe ça !

Direction home sweet home… vous vous installez confortablement dans le train du retour avec l’Equipe et là, vous découvrez avec bonheur qu’il paraît que vous êtes un énorme tocard et que toute la France se fout de votre gueule. Et c’est drôle, ils disent la même chose dans tous les journaux que vous avez achetés !

A Lyon, l'orthographe est en option...


Et accessoirement, votre femme et vos enfants sont susceptibles de tomber sur ces articles . Ce qui laisse augurer d’un retour triomphal à la maison.

Et dès le lundi vous repartez pour une semaine de boulot aux services voierie de votre commune avec vos collègues qui se marrent en vous voyant , et la semaine d’après, nouvelle convoc’…alors ?

Votre femme est attentive, elle vous accompagnerait bien à Monaco, à Nice ou à Paris…
« Alors Chéri ? »
« Génial, Lens ! le Stade Bollaert !!! ses supporters incroyables !!! son ambiance mythique et le public qui chante « Les corons » de Pierre Bachelet à la mi-temps, les larmes aux yeux ! »
« Chéri ? »
« Oui mon amour »
« Je te quitte ».

Mais bien sûr qu’une femme d’arbitre quitte son arbitre de mari !!!
Vous avez déjà rencontré une femme qui vous a dit : « J’ai passé la nuit avec un arbitre, tu peux pas t’imaginer ce que j’ai vécu, c’était IN-CROY-ABLE !!! »

Non, je ne pense pas.

Donc si vous aimez vraiment le football et que vous n’avez pas le niveau, achetez plutôt un grand écran et un canapé bien confortable.





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