Etre agent immobilier c’est d’abord une histoire
d’uniforme, de panoplie.
Chaque enfant rêve d’être pompier, policier,
militaire, cowboy parce qu’à la fonction est associée une panoplie.
Pour être agent immobilier, il faut donc d’abord
revêtir l’uniforme.
Et pas seulement le revêtir comme ça, comme un habit
de fonction, il faut le revêtir avec fierté et conviction. C’est cet habit de
lumières qui confère à l’agent immobilier son statut à part, qui relègue le
commercial de base « autres secteurs d’activité » au rang d’ouvrier
spécialisé de la vente qui ne doit à son collègue et maître de la pierre que
respect et prosternation.
La panoplie
idéale :
Commençons par le bas :
L’agent immobilier se doit d’avoir les dernières
chaussures à la mode.
En tout cas par la forme, plus que par la marque.
C’est d’une manière générale sa marque de fabrique
d’ailleurs. Il a les formes, pas les marques.
Donc la chaussure est dans les années 2010’s un peu
pointue, à bout carré, au cuir douteux et au lacet vaguement filé.
Le costume est cintré comme on voit dans les
journaux de mode mais coupé comme on voit chez Zara.
La chemise un peu brillante et assez moulante pour
laisser apparaître les muscles gonflés au Club Fitness Attitude du coin.
Le tissu paraît de qualité, un super 100 assez
basique à la texture propice à la rétention de pellicules lâchement tombées
d’un crâne gominé et vaguement dégarni. Normal, l’agent immobilier se déplace
en scooter pour optimiser son temps de trajet et multiplier les visites. Et qui
dit casque dit problèmes capillaires dit chutes de cheveux et épaulettes kodak
sur le costard.
Mais de loin il fait illusion l’agent immobilier
trônant fièrement au centre de son agence derrière sa vitrine qui affiche tel
le bombardier US le nombre de ses victimes et de ses succès :
« Pavillon coquet 120 m2 dans résidence cossue
, calme , cave et parking. A 15 minutes de la Place de l’Etoile. 235 000
Euros », annonce barrée d’un VENDU érectile pour l’agent immobilier qui a
distribué dans sa vie plus de cartes de visites que les Beatles et les Stones
réunis n’ont vendu d’albums.
Petite parenthèse pour revenir à cette annonce, il y
a une constante quand un agent immobilier propose une maison au cul du monde de
la banlieue parisienne, c’est qu’elle sera toujours à 15 minutes de l’Etoile.
Parfois, je reconnais que les maisons peuvent relier
la Place de l’Etoile en 15 minutes, même pas à vol d’oiseau, à vol de Mirage
2000 très certainement, ou alors à 4 heures du matin conduit par Alain Prost au
volant d’une Ferrari modèle Formule 1.
Mais bon, ces 15 minutes doivent être un code du
métier. Ce chiffre paraît
ambitieux pour qui veut garder ses points ou juste sa vie. Autant dire que vous
avez intérêt à vraiment vous méfier le jour où vous lisez une annonce à plus de
15 minutes de l’Etoile, vérifiez bien le nom du bled, il y a de fortes chances
qu’il se situe dans les environs de Marseille ou de Rennes.
Mais en avions nous fini avec la panoplie de notre
agent immobilier ? bien sûr que non.
Nous n’avons pas abordé ses différents accessoires.
Lorsque vous achetez la panoplie du policier, vous
avez en plus de la tenue les accessoires : le sifflet, le pistolet, les
menottes, le carnet de fausses
contraventions, etc…
Là c’est pareil, lorsque vous devenez agent
immobilier, vous êtes obligés de vous fournir la liste des accessoires qui
feront de vous le king of ze street.
Liste des accessoires :
l’oreillette blue tooth. C’est peut être l’accessoire le plus
important, et c’est pas le moins ridicule. C’est marrant comme dans certains
cas, un accessoire technologique à l’usage pratique et sécurisant reconnu peut,
on ne sait comment, se transformer en véritable accessoire de beauf. Et c’est
bien de ça dont on parle, d’un accessoire de beauf. Celui par exemple qui se
ballade au centre commercial le samedi , le pantacourt, les fines tennis adidas
ou les chaussures de running, les soquettes, le tshirt moulant, le bouc fin
bien dessiné autour de la bouche et…l’oreillette blue tooth collée ; comme
si, à ce moment précis de la journée, en famille, ce crétin qui a un boulot
lundi-vendredi sans plus de responsabilités, devait rester connecté à son
téléphone coûte que coûte, au cas où… au cas où quoi ? un pote l’appelle pour
proposer de regarder le match du soir ? C’est le maximum de l’info
importante du mec. Sa fierté quand
enfin le téléphone sonne, l’air brillant de celui qui justifie, sans discussion
possible l’évidence du port de l’oreillette défiant du regard sa femme
atterrée. Mais sinon, comment aurait-il répondu ?
Mais l’agent immobilier lui
il en a besoin de son oreillette, c’est un outil de travail, comme le sifflet
du policier. Il ne se voit pas comme les autres, ceux du centre commercial. Car
pour lui, l’oreillette sera peut être la clef de sa rapidité et de sa vente. Et
en cela, il n’a pas tort, reconnaissons-lui au moins cela.
La montre qui ressemble vraiment à un modèle haut de gamme mais qui
n’en est pas un, pas la peine.
La gourmette-prénom : elle rassure, elle montre chez ce requin du
business pavillonnaire un attachement à ses valeurs d’enfance et de jeunesse.
Un agent immobilier ne se renie pas.
La pochette à cartes de visites . Sa taille est décisive, elle ne doit
pas être trop grosse au risque de déformer le costard Celio Club sus mentionné.
Mais pas trop fine non plus pour permettre un stockage conséquent et éviter un
refill compliqué lorsqu’on est sur le terrain. Car oublier ses cartes de visite
pour un agent immobilier, c’est comme oublier son bistouri pour un chirurgien,
inenvisageable et inadmissible. Cela peut même faire une brève dans la gazette
de l’immobilier qui serait prompte à relayer ce type d’info : « Un
agent en panne de cartes de visites », de quoi faire se gausser toute une
profession devant tant de négligence et de bêtise. « Quel con !!! ça
m’étonne pas de lui je l’ai connu sur le secteur ouest-sud ouest, pas pro le
mec. Un bidon. » Un bidon, un con, mais bien sûr, radions le vite de
l’ordre des agents immobiliers ! il fait honte à la profession, comme si
des chirurgiens oubliaient des ustensiles à l’intérieur des gens qu’ils
opèrent !!!! Ah bon ? ça existe ? les cons !!!!
Les lunettes : elles sont une garantie de sérieux et d’heures
passées à travailler devant un écran d’ordinateur pour dégoter les meilleurs
plans du quartier. La forme de la lunette est importante. Elle est souvent
rectangulaire et pourquoi pas colorée pour donner un air de modernité
publicitaire à l’agent qui ne s’interdit pas cette petite fantaisie
d’accessoirisation de sa personne.
L’alliance : Non madame, n’ayez crainte, vous pouvez m’accompagner
en visite, vous ne risquez rien, je suis marié, avec des enfants. En tout cas,
ça restera entre nous. Nous y reviendrons sur ce point crucial de la vie
sexuelle extraconjugale de l’agent immobilier qui a à sa disposition les clefs
de dizaines d’appartements vides. De quoi gérer un vrai business parallèle de 5
à 7. Mais attention ! on rend la piaule nickel ! y a des visites à
7 !
Voilà à peu près ce qu’il faut avoir lorsqu’on est
agent immobilier.
Pour les
déplacements, 3 options :
1/ En ville : le scooter. Il permet de se garer
n’importe où, de donner une image jeune et dynamique, d’arriver à l’heure aux
rendez vous, bref, un véritable atout. Le temps, c’est de l’argent.
2/ En ville toujours : la Smart : Petite,
pratique, jeune, elle offre les mêmes avantages que le scooter en termes
d’image mais attention, vous risquez d’arriver avec toujours un temps de
retard.
3/ Hors agglomération : La 306. Voiture
patrimoniale, elle n’en jette pas trop. Vous n’envoyez donc pas le message de
celui qui se gave sur le dos de l’acheteur. Mais ça reste une valeur sûre qui
ne fait pas de vous un peigne cul incapable de vendre un bien.
A part ces 3 options, attention, vous sortez des
clous ! et ça, en convention d’agents immobiliers, ça ne pardonne pas.
Aaaah enfin la Convention !
1500 hommes qui ont troqué leur uniforme de travail
pour revêtir la veste d’or au cours d’une convention qui va sacrer les
meilleurs du réseau, ceux qui se verront remettre un trophée et dont la photo
trônera en home du site Century 21 …
Une cérémonie émouvante durant laquelle tous sont
remerciés, valorisés, ils auront droit à leur grande beuverie dans la
discothèque locale où les plus chevronnés repartiront avec comme trophée une
infidélité conjugale de plus, ou mieux, pour entrer dans la légende, une bonne
vieille chtouille bien de chez nous qui garantit à vie le statut de
« tueur en soirée » !
Elle en a connu des légendes la profession. Galibert
en 54, le roi de PACA, une légende, le Buffalo Bill de l’immo !
Quel bonheur. Comment se passer de tout ça ?
Qui ne veut pas embrasser cette magnifique carrière rythmée par les lois
Carrez, les enveloppes de « chocolat », les diagnostics termites et
capricornes, les constitutions de dossiers et la connaissance ultime de tout ce
qui se passe, partout, chez tout le monde, dans tous les couples, toutes les
familles ? Qui peut refuser cette vie ? Qui oserait nous faire croire
qu’agent immobilier est un métier à éviter à tout prix ? Un fou ? Un
sorcier ? Un mécréant ? qu’il soit pendu, brûlé, écartelé et lapidé
en place de Grève cet impie !
Car en plus d’avoir grave la classe, l’agent
immobilier n’en est pas moins homme de proximité et de contact, informateur et
informé. Il sait tout, des divorces aux garçonnières. Quand votre enfant
écoutera aux portes, oubliez l’expression populaire associant la concierge à
l’obsession maladive de se mêler de tout. N’hésitez plus à lui lancer :
« papa et maman discutent, va te coucher et arrête de faire ton agent
immobilier caché derrière la porte ! »
L’agent
immobilier doit tout savoir, doit pouvoir tout anticiper.
« Le propriétaire du 15 en a-t-il enfin fini
avec son cancer ? L’agent a déjà un accord d’exclu avec les héritiers à
qui il a promis une revente conséquente du bien et une entourloupe pour éviter
tous droits de succession. »
« En septembre, les enfants de Madame Machado
l’envoient en maison de retraite où, vu son état, elle ne devrait pas faire
long feu. Pas de souci, l’agent a déjà tout réglé. Mais pas en viager, pas très
moral. »
« A force , c’est pas possible, il va se faire
choper ce queutard de Monsieur Martin, tous les jours il en ramène une nouvelle
ce salopard ! Et la prochaine fois qu’il se fait attraper, c’est sûr, il
va y avoir grosse guerre et divorce.
Moi, agent immobilier, je serai médiateur,
arrangeur, sauveur : je débarrasse les époux de ce lourd emprunt commun en
revendant leur bien, et avec l’argent je rachète 2 apparts plus petits pas trop
éloignés l’un de l’autre pour respecter les termes de la garde partagée qui
sera prononcée sans problème par la juge à qui j’ai déjà refourgué un
duplex. » et hop, 3 commissions !
Et là où il est très fort aussi notre ami, c’est
qu’il est vraiment partout. Essayez de mettre en vente votre appartement dans
le Particulier.
Le Particulier, par definition, c’est « de
particulier à particulier ». Sous entendu, nous ne voulons volontairement
pas avoir à faire avec vous, messieurs les agents immobiliers.
Et donc votre annonce passe dans le journal, et sur
le site, modernité oblige.
Et vous attendez avec impatience les premiers
appels…votre prix était-il le bon ? S’il y a trop d’appels, n’avez vous
pas sous estimé ? Est-ce que je suis prêt à négocier ? Waouh…vous
vivez toutes les émotions de l’agent immobilier comme si vous y étiez, le
boooool !!
Et là le téléphone sonne, 9 fois sur 10, voilà le
type de conversation que vous allez avoir :
« Bonjour, c’est bien vous qui vendez un bien
rue tourette ? »
Alors déjà, quand votre interlocuteur ne parle pas
d’appartement, de maison ou de studio, mais de « bien », c’est pas
bon signe. Il se peut qu’il s’agisse d’un agent immobilier qui avance masqué alors
qu’on rappelle qu’IL N’A PAS LE DROIT D’ETRE LA !!!!!!
« En Carrez il fait combien ? vous avez
pratiqué les diagnostics ? L’avez-vous fait estimer par un agent
immobilier ? »
Démasqué !!! c’est pas un acheteur c’est un
agent infiltré ! il est là pour vous empêcher de vivre votre rêve d’être
comme lui l’espace de quelques jours ! Il ne veut pas que vous gouttiez au
nectar de sa vie, le butineur de commissions c’est lui, pas vous !
«- Vous êtes agent immobilier ?
"oui"
"vous savez que vous n’avez pas le droit d’être là"
"oui je sais"
"vous êtes comme un lion dans une basse cour, vous n’avez pas le droit,
c’est un lieu sacré , sans gens comme vous, un sanctuaire dans lequel vous
n’avez normalement pas accès et vous venez quand même? On peut plus être
tranquilles entre amateurs ? On est obligés ? ça vous ferait quoi de
vous rendre compte que dans une boîte à partouze où vous tentez d’exister est
infiltrée une bande de hardeurs chevronnés ? hein ?"
"Je vous demande pardon ?"
"Pardon ? vous me demandez pardon ? mais j’espère bien !
allez, du vent ! dehors ! dégage ! j’attends des coups de fils
de gens comme moi, normaux, qui veulent s’amuser entre eux !"
"Pardon, au revoir, mais si jamais vous avez des questions partis…."
"CIAO !!!!! »
Il est partout, il s’infiltre partout, il veut tout
maîtriser, de la source à l’estuaire. Il est organisateur, spectateur,
mobilisateur, mais aussi acteur.
LE SEXE
EXTRACONJUGAL DANS LA VIE DE L’AGENT IMMOBILIER
Comme il en était question plus en amont, l’agent
immobilier, si impliqué dans la vie de son quartier, de sa zone, peut
rapidement devenir acteur de ses transactions au-delà de ses attributions
naturelles.
L’homme aux 25 trousseaux de clefs, l’homme qui
arrange les extras de ses amis et de ses clients, l’archange du coup
furtif, il est aussi l’homme qui
s’autorise parfois une pause détente avec une cliente séduite par l’assurance
et la connaissance historique des bâtiments et leurs moulures.
L’homme qui , l’air de rien reste un requin
séducteur capable de jouer le romantique au moment d’expliquer que c’est dans
cet immeuble précis, celui dans lequel il va faire visiter un appartement à
cette femme récemment larguée par son mari et à la pension conséquente, que Verlaine retrouvait sa maîtresse en cachette tous les jeudis soirs.
« Mais il n’était pas gay Verlaine ? Rimbaud,
tout ça ?…»
« Chhhhhht ! les murs ont des
oreilles ! la pierre est poreuse aux émotions…je suis qui pour briser des
légendes ? un monstre ?
cette information restera entre vous…et moi, Verlaine avait une maîtresse , il
s’est inventé cette histoire d’homosexualité pour faire plus artiste, quel
talent, le pauvre Rimbaud en est mort ».
Emue, époustouflée par ce savoir, elle tombe dans
ses bras et ils font l’amour en se vouvoyant.
Car l’agent immobilier se permet certaines
aventures, mais il vouvoie ses
conquêtes. C’est comme ça.
Mais il n’y aurait alors que des hommes agents
immobiliers ? et les femmes ?
Pour une femme, agent immobilier n’est pas une
vocation, on ne fait jamais vraiment partie de la congrégation.
Une femme devient agent immobilier parce qu’elle a
fini d’élever ses enfants, qu’elle s’ennuie, et que son mari lui dit :
« tu veux travailler ? t’as qu’à faire de
l’immobilier ! », comme il aurait pu lui dire de monter un site de
vente de bijoux fantaisie avec une copine. Ou de faire de la deco d’intérieur.
Pareil.
Ben oui, évidemment, on a pas besoin de quoique ce
soit pour faire de l’immobilier, faut juste faire visiter des apparts, remplir
des dossiers, vaguement négocier un prix, ça mange pas de pain, et tu prends
des commissions plus ou moins confortables. Allez va, va t’amuser chérie.
Agent immobilier, c’est le miroir aux alouettes de
ceux qui pensent qu’un peu de bon sens, beaucoup de débrouille et un brin de filouterie peuvent suffire à se
construire une carrière intéressante. Avec un calcul simple : “Je vends un bien
250 000 €, je prends 4% de com’, ça me fait 10 000€. J’en fais 2 par mois, et
hop, 20 000 par mois !”. Vu sous cet angle, c’est inattaquable.
Alors parlez en aux centaines qui bossent dans une
agence qui ne leur donne aucun salaire fixe et leur promet 10% des com’ agences
, soit dans notre exemple, 1000 par transaction, et là, c’est plus la même…
Mais ça se passe comme ça.
Article fantastique, que j'ai savouré au lounge du nouveau port de ma ville entre une visite pour mandat annulée et une visite dans une heure pas encore annulèe. Merci pour ce moment !
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