Généralement, lorsque
une personne plus âgée que vous vous demande quel métier vous faites, que vous
répondez, et que votre interlocuteur vous dit : « c’est très bien,
c’est une très bonne école »… c’est pas bon signe.
Ou plutôt si, c’est le
signe que vous exercez un vrai métier à la con.
Exemple : tout
directeur commercial d’un grand groupe confortablement assis dans son gros
fauteuil en cuir, la café délicatement posé par son assistante sur le coin de
son bureau de maroquin, la cravate bombée aux courbes du ventre rebondi de ses agapes
professionelles, expliquera à n’importe quel jeune lui racontant qu’il est
commercial pour des encyclopédies en vente directe au porte à porte sur la
région Nord-Picardie que c’est très bien, une très bonne école. Ben alors vas-y, fais le si c’est bien !
Le cadre de chez Renault
expliquera au jeune qui arrive à la chaine , à Flins, que c’est une très bonne
école de la vie.
Tout ceci n’est rien
qu’un réflexe corporatiste de base qui veut que toute personne en ayant
vaguement bavé dans sa vie avant de réussir passablement, ne supporte pas de
voir un jeune avoir la possibilité de réussir au moins aussi bien sans être passé par la case « j’en
chie ».
Et d’annoncer donc dans
toute sa magnanimité que c’est bien, qu’il faut en passer par là dans la vie
pour connaître la valeur des choses, et qu’un stage ouvrier est formidable
parce que l’on se retrouve face à une réalité et à fréquenter des gens vrais ,
qui ont des vrais problèmes.
Mais alors pourquoi vous
ne les voyez plus ces gens vrais, ces gens formidables, ces gens honnêtes, et
pourquoi vous préférez passer votre temps entre golf et cigares avec des gens
moins vrais ? Allez, arrêtons de dire n’importe quoi.
Mais ça fait bien dans
les dîners mondains d’être celui qui a vécu un temps parmi les gueux.
Est-on obligé de passer
2 ans dans une caravane pour bien jouer de la guitare ? ça peut servir,
mais ce n’est pas obligatoire. Jimi Hendrix n’a jamais vécu dans une caravane,
alors que Raphaël est né dans une caravane alors il est parti en voyage allez
viens tudutu tudututu tudututu ouh ouh ouh ouh tudututu.
Comme quoi ce n’est
vraiment pas obligatoire.
On retrouve ce même
symptôme de l’ancien, donneur de leçons de vie, avec ceux qui ont fait leur
service militaire. Ils auront toujours quelque chose en plus, entre eux, par
rapport à ceux qui ne l’ont pas fait. Et ils ressortiront les bons vieux
poncifs du « ça te forme quand même un homme », « moi à
l’arrivée ça m’a fait du bien », « au moins ça te donnait un
cadre », et le meilleur est peut être le :
« A l’armée, tu as
la possibilité de rencontrer des gens que tu n’aurais jamais rencontrés
ailleurs »
Je l’ai faite l’armée.
Et c’est vrai, mais je me permettrai juste de rajouter quelques petits mots à
cette affirmation :
« A l’armée, tu as
la possibilité de rencontrer des gens que tu n’aurais jamais rencontrés
ailleurs, mais franchement, c’est pas
grave »
Et donc, pour revenir à
notre sujet, lorsque vous évoluez dans les métiers de la communication, il est
un métier qui déclenche quasi systématiquement la même réaction (quand il ne
déclenche pas de sourire gêné), qui porte le « ah c’est bien, très bonne
école » très haut, c’est attachée de presse.
Alors attention, de quoi parlons nous ? de qui
parlons-nous ?
Des caricatures plus ou
moins drôles des attachées de presse totalement poufiasses qui baignent dans le
show biz ou en rêvent ? Non, ne sombrons pas dans ces exagérations même
si celle d’Elie Kakou était très drôle et certainement pas si éloignée de la
vérité . Mettons de côté ces attachées de presse. Et si vous, jeune lectrice,
votre but est de devenir attachée de presse dans le showbiz, alors…alors je ne
sais pas quoi dire. Je suis triste.
Non, nous parlons de la
grande majorité des attachées de presse. (petite précision, en raison de la
sur-représentation féminine dans cette branche, cette approche sera traitée au
féminin . Et tant pis pour les garçons).
Attachée de presse est
certes une bonne école, mais c’est surtout un vrai métier. Il existe même des
écoles pour devenir attachée de presse. L’EFAP est la plus célèbre, l’Ecole
Française des Attachées de Presse, et pas mal d’écoles de communication
proposent des filières de spécialisation.
Mais alors qu’y
apprend-on ? En quoi consiste réellement ce métier ? Qu’est ce qu’une
attachée de presse ?
Définition :
L’attachée de presse est un fusible bon marché placé entre un directeur
marketing et une armée de journalistes.
Le directeur marketing
attend de l’attachée de presse qu’elle réussisse à convaincre les journalistes
de parler de son produit, son lancement, sa nouveauté. Il espère avoir un
article élogieux sur son produit. L’avantage : ce n’est pas de la pub, le
journaliste fait un article sur le produit, c’est gratuit.
L’attachée de presse est
donc missionnée pour convaincre les journalistes d’écrire un article, positif
bien sûr, sur un produit de son client.
Alors, forcément,
lorsqu’il s’agit de la dernière merveille technologique, design épuré,
performances exceptionnelles, ça va.
Lorsqu’est en cause le
dernier saucisson à l’ail enrichi d’un procédé chimique qui garantit qu’après
quelques heures de sommeil on ne se réveille pas avec une haleine de coréen un
lendemain de mariage, alors là c’est plus compliqué.
Et je n’évoque même pas
la possibilité d’être appelée pour promouvoir auprès de journalistes forcément
passionnés le dernier traitement censé adoucir les irritations du groin des
porcs d’élevage.
Et ça arrive. Comment le
journaliste pourrait savoir que ça existe si personne ne lui a communiqué
l’information ?
Donc, d’un côté : les directeurs marketing qui n’ont aucun
respect pour vous car vous ne leur faites pas dépenser beaucoup d’argent. Car
le directeur marketing aura toujours plus de crainte et d’attention pour le
président de son agence évenementielle qui lui organisera une soirée à 300 000
pour des retours sur investissement inquantifiables et certainement nuls, que
pour son attachée de presse qui aura trimé tel un soudeur haveur de la famille
Rougon-Macquart et offert sur un plateau d’argent d’inespérés articles en
presse spécialisée et peut-être même, fait d’armes exceptionnel, une citation
dans un journal télévisé regardé par plusieurs millions de français. Le tout bien
sûr pour une somme misérable équivalente aux honoraires chaque année rabotés et
versés à la bourse comme un chevalier donne à un paysan du haut de son fier
destrier.
Et de l’autre côté, les
journalistes.
Mais attention, on ne
parle pas ici des journalistes d’investigation, des reporters qui parcourent le
monde pour nous inonder d’images dramatiques et qui se font prendre en otage
avec leurs accompagnateurs, d’enquêteurs qui passent des jours et des nuits à
démêler les ficelles des financements occultes des partis politiques au risque
de rencontrer de gros problèmes ou pire, de rencontrer sur le pas de leur porte
un inspecteur des impôts, comme par hasard .
Non, nous évoquons cette
branche de la profession journalistique dont on se demande ce qu’ils avaient en
tête le jour où ils ont décidé de s’inscrire dans une école de journalisme. Des
professionnels qui sont aussi proches des prix Pulitzer ou Albert Londres que Cali l’est de John Lennon.
Albert Londres qui en voyant cette meute de profiteurs
avides de cadeaux et avantages doit regretter d’avoir dit : « Notre
métier n'est pas de faire plaisir, non plus que de faire du tort, il est de
porter la plume dans la plaie ». Non, il ne parlait pas des mêmes.
Les attachées de presse sont en contact quotidien avec
les journalistes les pires, ceux des rubriques « Conso » des
magazines, que nous évoquerons
brièvement dans le chapitre « Journalistes », ainsi que des
journalistes de toutes les presses spécialisées.
Pire, les attachées de presse sont obligées de cirer les
godasses et de flatter ces journalistes pour qu’ils daignent placer un produit
dans une de leurs rubriques pourries.
Nous sommes quand même face à des journalistes qui
estiment avoir de l’importance et du pouvoir parce qu’ils mettent en avant les
produits des agences de Relations Presse les plus assidues, les plus
généreuses, les plus souriantes dans la rubrique conso d’un magazine de
merde !
Ils vous font croire que d’un point de vue éditorial, il
est particulièrement délicat pour eux, par rapport au contrat de lecture qu’ils
ont avec leur lectorat et à la cible particulièrement sensible en ce moment à
tous les problèmes énergétiques et écologiques du réchauffement climatique,
d’écrire 4 lignes sur un nouveau brumisateur aux légères effluves de coco parce
que les cocotiers sont en voie de disparition au nord de la Guinée et quand on est
journaliste, on a une conscience !...
« En revanche, pas de soucis pour le saucisson
aigre-doux ou le balai à chiottes ergonomique. Totalement dans l’air du temps.
Mais toi, attachée de presse, tu n’es pas journaliste, tu ne peux pas
comprendre, je pense que t’es trop conne en fait. »
« ok, merci
beaucoup, je compte sur toi pour le saucisson et le balai alors ?
Génial ! »
Génial…A quoi tient le
bonheur parfois dans la vie…
Votre calvaire ne se
limitera pas aux débiles prétentieux des rubriques conso, vous aurez aussi
droit…aux journalistes de presse professionnelle, toute la presse spécialisée
professionnelle…Et quand vous allez vous retrouver à devoir convaincre le
rédacteur en chef d’un des titres de presse professionnelle suivants :
Porc Magazine, Eleveurs de Lapins Magazine, Reussir Bovins, Entretien Magazine,
Planète Béton, Référence Carrelage, Papier Carton Magazine, Valeurs
Boulangères, Nouvelles Esthétiques, Fluides et Transmissions, Tôlerie Magazine,
Diabète et Obésité Magazine, Bus et Car Magazine, etc… (NDLA : tous existent !), et bien non seulement vous
allez en prendre un gros coup sur votre fierté, mais aussi vous allez vous dire
que vous ne faites pas le pire métier, finalement.
Vous ne serez rien sans
vos fichiers de journalistes. La liste exhaustive de tous ces planqués dans des
rédactions confortables. Et vous n’aurez jamais assez de temps pour
réactualiser vos fichiers, ils sont votre graal.
Vous allez vraiment en
baver. Et en plus, en dehors du travail, lorsque l’on vous demandera ce que
vous faites dans la vie, vous serez prise pour une quiche alors que vous ne le
méritez pas.
Une fois votre chemin de
croix accompli, que vous vous serez faite renverser des seaux de lisier sur les
bottes et sur la tête par vos clients et les journalistes, que l’on vous aura
reproché de n’avoir pas réussi à faire en sorte que le 20h de TF1 n’évoque même
pas le nouveau collier anti-puces spécial caniches nains, vous pourrez prendre
un peu de distance, aller dans des voies plus intéressantes, vous travaillerez éventuellement sur
des stratégies de marques, de l’évènementiel, vous aurez franchi un cap dans votre carrière. Vous
rencontrerez des jeunes qui veulent bosser dans la communication… S’il vous
plaît, ne leur dites pas : « vas-y, passe par les relations presse,
c’est une super école ! »
Non, définitivement, ne devenez pas attachée de
presse !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire