dimanche 14 juin 2015

JOURNALISTE : UN METIER POUR SALONARDS DE LUXE




Le vrai pouvoir . Il est entre les mains des journalistes.

Alors évidemment que cette profession suscite vocations, carrières et ambitions.
Evidemment que des ribambelles de gamins se voyant déjà parcourir le monde à la découverte de peuples et de scoops se ruent aux portes du Centre de Formation des Journalistes (CFJ).

Car pour devenir journaliste, il y a une première étape à passer, c’est celle de l’école de journalisme.

Alors c’est pas que ce soit très difficile , il suffit de maîtriser le français, l’anglais tant bien que mal, avoir une petite dose de culture générale et ne pas être trop maladroit de la plume.
Après on entre au CFJ et à force de stages on devient journaliste.
Alors me direz-vous, j’en connais d’autres qui savent écrire, pas trop mal, et qui disposent d’un bon petit bagage culturel, ils ne  peuvent pas être journalistes eux ?

Et non. Car la profession de journaliste est une des branches les plus corporatistes dans notre France du XXIème siècle.

Pour en être, il faut le diplôme de l’école de journalisme.

Sinon vous ne serez, à quelques rares exceptions, jamais adoubé par la profession. On est pas catholique sans baptême ni juif sans bar mitzvah.  Le boulet du « pas de diplôme », on le traîne à vie.
Et ce,  que vous soyez  au Financial Times ou à Gala, sur Europe 1 ou sur Skyrock.

Même si, ces dernières années, la télévision et la radio ont ouvert leurs portes au diable en acceptant des animateurs ou des consultants aux côtés des journalistes .  De sombres individus qui se permettent de piquer un peu de lumière à la personne toujours modeste qu’est le journaliste.

Si vous voulez être journaliste, n’oubliez pas de considérer ce que vous faites comme extrêmement important car vous le faites pour les gens.

Grâce à vous les gens savent. Si vous n’étiez pas là, les gens ne sauraient pas. Ah ces gens alors ! Ils sont bien cons dans l’ensemble mais heureusement que vous êtes là.
Et quelle chance ils ont dans un pays qui garantit la liberté de la presse de pouvoir vous lire, vous écouter, vous admirer, vous voir couper toutes les files et entrer gratos partout, avoir les meilleures tables dans les restos.

Mais ces gens que nous sommes devons assumer notre part de responsabilité dans cette situation. Nous vous lisons, regardons, écoutons, et surtout, croyons.
Nous ne sommes pas raisonnables non plus !

Avons-nous raison de vous croire ?
La question se pose déjà dans la mesure où il existe une presse militante qui nous raconte donc ce qu’elle veut.
Le syndrome du comptage de manifestants par les organisateurs et par les forces de l’ordre.
Mais au-delà de cet aspect partisan plutôt bon signe pour une société, la question de la fiabilité de l’information se pose tout court.
Et le problème que nous avons nous, les gens, c’est que nous n’en savons pas assez pour douter, alors devant l’aplomb du journaliste, nous nous inclinons.
Et pourtant, pour peu que l’on soit un peu spécialiste d’un domaine, on se rend compte du nombre d’inexactitudes qui truffent les articles et reportages.

Prenez par exemple un fana de foot, il a souvent de quoi être particulièrement étonné de la manière dont son sujet de prédilection est traité dans la presse non spécialisée.
Et ça lui donne donc bien entendu de la matière pour réfléchir à ce qu’on lui raconte dans les domaines dont il ignore tout.

Pourquoi dans la presse généraliste un article sur le sport serait plein d’erreurs et d’informations inexactes, et un article sur la politique ne le serait pas ?
Exemple d’à peu près journalistique qu’un amateur de sport retrouve dans les articles de presse non spécialisée transposé à la  politique internationale :
« En Turquie, la chausselière allemande Angela Merthel a rejoint la réunion du G20 et s’est notamment entretenue avec le Président italien Bernasconi au sujet de leur prochaine rencontre à Dniepsortepkovsk en Ukraine » (pour ceux qui l’ignorent, le vrai nom est Dniepropetrovsk, mais pour ça il faut s’intéresser au foot). »
Choquant ? pourtant le fan de foot retrouve ce type d’erreurs sur les noms de joueurs, de clubs, de villes, en permanence.
Le journalisme doit donc rester une affaire de spécialistes.



 Qu’est ce qu’un journaliste ?

Définition officielle du journaliste source Petit Robert:
Celui qui fait, publie un journal
Personne qui collabore à la rédaction d'un journal.
Personne qui s'occupe de l'information dans un système de médias

Définition non-officielle :
Un journaliste est une personne qui passe sa vie à raconter, à analyser, à juger, à noter, à critiquer ou encenser ce que font les autres, alors que lui ne fait rien de particulier de sa vie puisqu’il la passe à raconter ce que les autres font de la leur, de vie. Alors le journaliste il n’a pas le temps. Forcément. Il n’a pas le temps d’essayer de faire une fois dans sa vie ce que tentent de faire le mieux du monde ceux qu’il passe sa vie à observer et à critiquer.

Mais, comme je l’écris souvent dans ce recueil, pourquoi pas. C’est important les observateurs. Secondaire mais important.

Mais alors comment peut-il devenir aussi important dans notre société puisque ce n’est pas lui qui fait ? C’est malheureusement lui qui décide de ce que l’on va devoir penser des gens qui font.

Et pourquoi avoir envie de faire ce métier et donc de dédier sa vie à l’observation de l’autre pour trouver des trucs à raconter ?

A l’heure du grand bilan de la vie, à 80-90 ans, on se dit quoi ? Qu’est ce que j’ai fait de ma vie ? moi ? rien du tout mais alors qu’est ce que j’en ai vu, d’autres, réussir à faire quelque chose de la leur, de vie ! Mais moi non. Je n’ai rien accompli de particulier.

Je n’ai jamais été un grand sportif, jamais été un politique, jamais été un homme d’action, jamais été un créateur de mode, un chef cuisinier, jamais jamais rien. Je me suis contenté de raconter ce que faisaient les autres.

Waouh, il va être sur le cul Saint Pierre quand vous allez lui raconter que vous avez connu le meilleur moment de votre carrière quand vous avez surpris Snoop Doggy Dog rouler une pelle à Jennifer Lopez sur un Yacht (prononcez Yote, pas yachte, je sais pas pourquoi c’est comme ça,).

Ou alors que vous avez réussi à prouver que le ministre de je ne sais quoi s’est fait payer des vacances par un gros chef d’entreprise. Ouh la laaaaaaaaaa !!!! c’est maaaaaaaaal !!!! Heureusement qu’il y a les journalistes pour dénoncer ces énormes scandales scandaleusement scandaleux qui méritent d’être passés à la moulinette de la bonne morale républicaine portée par le nouveau dogme journalistique  !
Moi à la place de Saint Pierre, je pousse à coup de pieds au cul l’Abbé Pierre ou Winston Churchill de leur place pour que vous puissiez vous y installer !

Ce long préambule avait pour but de conseiller à nos jeunes ambitieux de tenter leur chance ailleurs.
Si cela n’a pas suffit, si certains y croient encore, rentrons dans le dur par catégorie de journaliste : et faites vos courses !

Nous allons ensemble traiter chaque catégorie de journaliste car quand une personne souhaite être journaliste, elle doit savoir à peu près dès le départ si elle préfère les défilés de mode aux conflits internationaux. Comme ça il y en a pour tout le monde.




Journaliste sportif :


Alors là vous pouvez y aller. Journaliste sportif est une mission extraordinaire à condition bien entendu d’aimer le sport…et les sportifs.

Etre  journaliste sportif présente plusieurs avantages :

Tout d’abord, le journaliste sportif est rarement un sportif frustré, c’est un vrai passionné. A aucun moment il a hésité entre une carrière de grand sportif ou le journalisme. Ce qui lui confère une position extrêmement favorable car dans sa plume ne ressort jamais une quelconque aigreur ou une jalousie envers ceux et celles qu’il admire. Contrairement à un critique littéraire, un critique cinéma, art ou musique.

Ensuite, un journaliste sportif voyage énormément. Des plus beaux stades de foot aux plus mythiques courts de tennis, des plus impressionnantes arènes de rugby aux routes interminables des tours cyclistes. Europe, Afrique, Amérique, Asie, Océanie, le journaliste sportif parcourt le monde entier , généralement dans des conditions plutôt agréables, et sans prendre le moindre risque.

Le plus souvent, un conflit ou un danger provoquent l’annulation de la compétition sportive devant se dérouler sur les lieux concernés, et donc les journalistes sportifs rentrent à la maison.

Vous verrez que la condition de Grand Reporter est bien moins enviable puisqu’eux, pour le coup, ne voient pas la queue d’un match de foot et sont à la merci des snipers et autres polices politiques.
Maintenant ne nous emballons pas.

Tout journaliste sportif ne se fait pas payer 10 jours à Buenos Aires pour suivre les exploits de l’équipe de France de Tennis en goguette de Coupe Davis en Argentine. Dix jours à passer ses journées en compagnie de gens plutôt éduqués et sympathiques, et ses soirées dans des bars branchés en compagnie de splendides porteñas offertes au conquistador gaulois prêt à troquer  macbook, dictaphone, carnet et stylo pour tango endiablé, asado pimenté, maté aphrodisiaque et dulce de leche au nom évocateur.
Dans le journalisme sportif comme dans la vie, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.

Car la vie de journaliste sportif peut vite tourner au cauchemar si par malheur vous entrez dans une des 2 catégories suivantes :

Vous traitez un sport qui n’intéresse que vous : exemple : l’aviron. Là, c’est la catastrophe. Vous passez votre vie au bord de plans d’eau à regarder des types ramer, à 2, à 4, à 8, avec ou sans barreur, se tirer la bourre sur un lac sans intérêt dans des stations balnéaires de retraités pour qui le sport s’est arrêté à Mimoun et Kopa.

Vous devez ensuite gratter des papiers sur ce que vous avez vu en vous enthousiasmant,  avec comme perspective les prochaines olympiades où vos champions tenteront de briller un mardi matin vers 11h avec une vingtaine de téléspectateurs devant leur écran.

Et à l’arrivée, soit vous avez droit à un entrefilet dans le journal du jour, soit vous avez droit à rien du tout parce que votre sport tout le monde s’en fout.

L’avantage est l’accessibilité des champions dont vous avez tout loisir de recueillir les impressions vu que c’est pas la cohue de journalistes à l’arrivée des courses . Autre avantage, si vous avez un record du monde battu ou un français qui gagne un championnat du monde, vous pourrez être en page 12 ou 13 de l’Equipe.

Et dans l’Equipe Mag, vous ressortez chaque année votre double page sur le duel mythique entre Oxford et Cambridge. Et en plus depuis quelques années vous pouvez même raconter que Hugh Laurie, le célèbre Dr House, y a participé en 1980.

Ça fait léger quand même.

Vous êtes journaliste à la télé ou à la radio et vous devez vous coltiner un consultant.

Le consultant présentera à vos yeux déjà un inconvénient majeur : il n’a pas le diplôme. Mais bon, ce défaut est compensé par le fait que le consultant est un sportif célèbre à la retraite , et donc une étoile que vous avez pu admirer voire idolâtrer comme des milliers d’autres personnes et qui se retrouve à vos côtés.
Classe quand même.

Le problème c’est qu’aussi star fut-il, le consultant n’en reste pas moins un ancien sportif , qui plus est très sûr de lui car abonné au succès et à la complaisance de son entourage quels que soient les propos qu’il puisse tenir. Et donc le plus souvent au bagage culturel proche du néant et au champ sémantique qui ne ferait pas rougir un élève moyen de CM1. (A quelques exceptions près dont à ma grande surprise un ancien joueur très marseillais aussi detestable sur le terrain qu’agréable, coherent, juste, drôle et sympathique au micro.)

Et pourtant, il va falloir non seulement que vous soyez collé à lui lors des directs (mais là, passe encore, son analyse et son expérience peuvent servir),  mais aussi en dehors, dans les hôtels, les restaurants, avec les autres journalistes, et pourquoi pas à dîner chez vous lorsque vous rentrez à la maison. Il devient un ami obligé. On ne refuse pas son amitié à un champion du monde. Ce n’est pas possible. 

Alors vous vous dites « ok, je fais avec ». Sauf que lui, il fait bien plus qu’avec, quand on est ami, c’est comme sur les bancs d’un collège qu’il n’a que peu fréquentés, c’est à la vie à la mort, on crache par terre et on s’échange le sang. Il vit enfin ces amitiés d’ados auxquelles il n’a pas eu droit, trop pris par son destin.

Et l’ami, le poteau, le Brother, le frère d’armes et de sang, celui à qui on apprend un peu la vie, le frère quoi, comment lui refuser une virée dans des bars à putes de Berlin ou Prague ? il s’agit d’un champion du monde, votre nouvel ami, si vous lui refusez ça, il va être triste. Et vous serez plus son copain. Il ne vous causera plus. Il refusera de faire le consultant.
Et allez expliquer à votre rédacteur en chef que le type qui a fait rêver la France est en fait un super lourd totalement idiot et que vous ne supportez plus de vous le trimballer partout. Qui va se faire virer à votre avis ?

Donc si vous êtes fans de sport, incapables d’en pratiquer un, que vous souhaitez assister à des compétitions dans le monde entier et avoir votre petit pouvoir auprès de jeunes sportifs avides de notoriété, allez-y.
Mais n’espérez pas faire fortune ou vivre une élévation intellectuelle puissante, ça, vous ne l’aurez pas.

Mais ça, c’est affaire de choix.

Grand reporter

Alors lui, le grand reporter, c’est tout l’inverse du journaliste sportif.

Lui ou elle pardon, grand reporter est aussi une fonction qui s’est féminisée. Il n’y a en effet aucune raison que ce soit toujours les mêmes qui en prennent plein la tête.

Grand reporter, c’est l’essence même du journalisme, un journalisme épique, un journalisme d’aventures, de découvertes, de dangers. C’est Tintin, c’est le prix Albert Londres, c’est un mythe !

Nous parlons là d’un journalisme de prestige , un grand reporter sera toujours la star des dîners en ville. L’idole des « Salonards » comme les appelaient Drieux.

« Quelle chance de l’avoir avec nous alors qu’il est toujours entre deux Tupolev jamais révisés en partance pour le Pakistan ou les terres à feu et à sang de Haute Volta ou de Guinée équatoriale ! Allez, raconte ! racoooonte !!! et reprends du gratin, tu as dû tellement manquer là bas !»

Quel bonheur de l’écouter nous narrer ses aventures extraordinaires et nous distiller ses vérités sur des conflits qu’il vit chaque fois qu’il pose un de ses pieds bénis sur une terre hostile !

Car le propre du grand reporter est d’avoir toujours raison. Et qui irait le contredire ? Qui irait contredire quelqu’un qui ,lui, a eu le courage d’aller sur place voir ce qui se passait ? Qui suis-je moi, homme de pas grand chose qui me contente parfois de réfléchir 5 minutes à ce qui m’entoure, pour oser dire à un type qui s’est fait canarder par des blacks à bloc qu’il n’a peut-être pas une vision très juste de la situation ?

Le type peut revenir du moyen orient en racontant que les méchants ce sont les israéliens ou les palestiniens, et nous dire qu’il est mieux placé que personne pour raconter ça puisqu’il a vécu 5 jours avec une des deux parties et qu’il a bien vu les agressions de l’autre. Qu’est ce que vous voulez dire à ça ?

Et pourtant, on peut être sur le terrain et se tromper non ?
C’est d’ailleurs souvent là qu’on se trompe le plus.

Mais lui, le grand reporter, a le courage d’aller dans les endroits les plus chauds de la planète pour montrer au monde ce qu’il se passe.
Et encore un qui se sent investi d’une mission … encore une profession pour prophètes amateurs en mal de reconnaissance et d’égo. C’est quand même pas possible le nombre de métiers dans lesquels on s’engage pour satisfaire un égo mal placé !

Le grand reporter ne peut-il pas simplement avouer qu’il fait ça parce que ça le fait kiffer d’aller dans des zones où ça craint, que de se faire tirer dessus et de vivre avec des coupeurs de tête ça l’excite, et que finalement, le seul moyen de vivre de ce genre de passion c’est d’être grand reporter ? ou militaire ? Et encore, c’est mieux grand reporter parce qu’on les choisit ses guerres. Alors que le militaire, si on lui dit de shooter des afghans, il est obligé de le faire, même s’il préfèrerait scalper les autres.

Le grand reporter choisit son camp et revient toujours avec de belles images de fraternité et de complicité avec les guerriers du monde entier qui ne sont en fait que des hommes en souffrance.
Il se fait clairement plaisir le mec ! Pourquoi se sent-il obligé de nous resservir la soupe de la mission d’information indispensable pour que les gueux que nous sommes soyons au courant de la vérité ?
Si c’est pas pour satisfaire un égo insupportable ça !!!!

Mais enfin, on ne peut pas reprocher des débordements d’égo à des êtres humains, nous sommes faits comme ça. Et sans ces histoires d’égos gonflés au maximum, nous n’aurions pas eu les grands hommes et les grandes femmes qui ont marqué notre histoire. Je parle des vrais.

Donc Grand Reporter, pourquoi pas.

Maintenant il faut savoir ce qu’est la vie du grand reporter au quotidien pour savoir si on veut s’y coller.

Le grand reporter arrive donc sur site au moment pile où le journaliste sportif se tire vite fait. Ils se croisent même parfois à l’aéroport :

« Tiens salut Jean-Louis comment ça va ? »
« Ben pas mal sauf que ces cons avec cette révolution ils nous ont annulé les demi-finales et la finale ! vraiment des pays de merde ! »
« Et ça se passe comment là en ville ? c’est chaud ? »
« J’en sais rien, nous on était peinards à l’hôtel, on a vu que les militaires fermaient le stade , 2-3 chars dans les rues  et un mec immolé sous notre fenêtre pendant qu’on était au petit dej alors on a remballé vite fait, et ça tombe bien parce que de toute façon, dimanche soir on est à Sochaux pour les ¼ de la coupe de France »
« Ah ouais ? ils ont fermé le stade ? »
« Je te jure que je vais pleurer tellement ils respectent rien. Les mecs te ferment le stade et empêchent le déroulement d’un match pour séquestrer 2000 opposants et les zigouiller par groupes de 5 ! »
« Génial ! j’y vais ! »
« Mais y a plus de match je t’ai dit ! »
« Jean-Louis, on a la même carte de presse, mais on fait pas le même métier »
« Tu m’étonnes… Allez salut, je penserai à toi chaque jour en fin de journal avec ta photo et ton nombre de jours de détention ! warf ! warf ! warf ! Allez salut Ducon ! »
« Salut Jean-Louis » (le grand reporter, il ne déconne pas lui, il est sérieux, il ne plaisante pas , il appelle pas les autres « ducon » lui, il laisse ça aux sportifs, leur mission n’est pas messianique à eux !)

Ce qui est sûr, c’est que le journaliste sportif, il ne risque pas d’être en photo à la fin des JT !!!

Alors que le grand reporter…mmmmiammmm…quel kif quand on est enfermé dans une geôle au fin fond d’un désert hostile, après avoir posé bâillonné et à genoux au pied d’une rangée de guerilleros armés de kalachnikovs et de coupe-coupes, de s’imaginer en photo en fin de JT !


C’est pour ça qu’on fait ce métier !

S’imaginer cité par les plus hautes instances politiques du pays qui tentent à coups de millions d’obtenir notre libération auprès de ravisseurs assoiffés d’idéaux et surtout de dollars !

S’installer au cœur des sujets de conversation de toute la profession en étendard d’une éthique et d’une mission. C’est ça l’aboutissement de la carrière de grand reporter en fait, être pris en otage.
Marcel Carton, Marcel Fontaine, Jean-Paul Kauffman, Roger Auque, Florence Aubenas, Aurel Cornea, Christian Chesnot, Georges Malbrunot. Pour être célèbre, il faut avoir été otage. Sinon on reste dans l’ombre. Vous les connaissez les autres vous ? Non, personne n’en connait un seul.

Et donc, après avoir été otage, quand on rentre, après avoir joué la curiosité de plateaux télé, avoir fait le mec un peu déphasé, sorti un livre à la promo minutieusement orchestrée, on se fait nommer correspondant permanent à New York ou Los Angeles, avec un gros appart’ de fonction, un traitement d’expatrié et des reportages sur tout ce qui se fait de cool aux States.

Allez, 300 jours de captivité à bouffer du couscous et dormir sur un futon pour 20 ans peinard en exil doré…franchement, ça vaut le coup.

Attention quand même, c’est rare, mais il arrive que ça se passe mal.

Je reprends la démonstration parce que c’est vraiment un point clé pour réussir dans ce métier :
vous avez réussi votre parcours jusqu’au bout : diplôme, contrat, reportages sans intérêt en maraude avec des bénévoles de la croix rouge, petits déplacements et enfin, vous obtenez de votre rédac’chef la zone à risque. Yessss !!!!!!!!

Pour vous c’est bon, vous allez y aller une première fois repérer les lieux. Voir là où on peut se faire enlever sans trop risquer. Ensuite vous y retournez pour le grand jour. Le jour où vous allez vous faire kidnapper. Tout est réglé avec le chef de la tribu rebelle. Tout, jusqu’à la focale de l’appareil pour la photo de groupe.

Alors vous êtes sur une piste désertique, dans votre véhicule tout terrain, avec votre cadreur, et surtout, vos 2 accompagnateurs, ceux qui ne vous voleront pas la vedette puisqu’on ne les cite jamais autrement que « avec leurs 2 accompagnateurs ». Donc ils font partie de l’histoire. Quel journaliste irait se promener sans ses accompagnateurs ? Quel intérêt d’être pris en otage sans accompagnateurs ? Vous en conviendrez, aucun !
Vous imaginez en fin de JT ?  « Marcel Poulard et son compagnon Maurice Ploucos, retenus en otage depuis 234 jours… »
Et alors ? ils sont tout seuls ? ils n’ont pas d’accompagnateurs ? Pas crédible, donc il faut les accompagnateurs. C’est dans le package.
Et là, au détour d’une piste , ouh la laaaaaa !!! des rebelles ! mince alooooors !!!! Comment ça se fait que dans une zone à risque infestée de rebelles, alors que je me ballade tranquillement avec 10 000 euros de matos et un passeport qui peut valoir autour du million en rançon , comment est-il possible que des méchants rebelles me kidnappent ?
Panique des accompagnateurs, ils sont pas au courant eux de l’arrangement passé avec le chef rebelle : “Rançon contre célébrité  et retraite dorée”.

Donc tout roule, la geôle, la photo, l’enregistrement où on vous force à dire que les rebelles voient juste etc…

Si tout va bien, au bout de quelques mois, on vous relâche, le Bourget, la famille, les caméras, les ministres, les plateaux télé, et donc le poste à New York avec les enfants au lycée français et la good life intégrale .

Mais pour peu que pendant une nuit , de votre geôle, vous entendiez du remous à l’extérieur, il se peut que votre pote le rebelle se fasse zigouiller, et que le nouveau soit bien moins conciliant et bien moins prêt à jouer à Disneyland Talibans ! Et là c’est le drame, parce qu’avec vos conneries de vouloir briller dans une zone à risque alors que vous avez une femme et des enfants, vous vous retrouvez en une du journal avec le nouveau chef rebelle qui tient votre tête détachée de son tronc à bout de bras. Et là, je peux vous garantir que vous faites moins le malin !


Journaliste de mode

Les ressorts du journaliste de mode sont à peu près les mêmes que ceux qui guident le journaliste sportif.

Il s’agit d’une affaire (c’est le cas de le dire) de passion.

La passion du beau, la passion du luxe, la passion du talent.

Et même si je ne suis pas un fin connaisseur de la chose couturière, je dois malgré tout reconnaître que les créateurs de mode sont parfois des artistes. Et qu’à ce titre, ils méritent l’attention qu’on leur porte et parfois même les sommes astronomiques que l’on peut mettre dans un bout de tissu confectionné par leurs soins .

Oui, ils sont des artistes. Ils font des miracles avec du tissu, des ciseaux, du fil et une aiguille comme le peintre accomplit des chefs d’œuvre avec quelques tubes de peinture et des pinceaux.
Alors il est tout à fait légitime que certains, certaines d’ailleurs plus souvent, se passionnent pour cet art.

Malheureusement, le métier de journaliste de mode ne se limite pas à la découverte de merveilles sorties tout droit de l’imaginaire de créateurs géniaux.
Pour se faire une place au soleil, il faut passer par un nombre impressionnant de morpions insupportables :
Attachées de presse, suiveuses, modistes, chasseurs de tendance, mannequins, pétasses friquées invitées à dépenser l’argent de leurs maris en robes « one use only », gens de cinéma, de télévision, bref, tout ce que Paris fait de rats et de suiveurs.

Et de cocktail en réception vous entendrez les sempiternelles remarques débiles « elle est si bêêêllle », « quelle collection, ces fleurs ces tons », « quelle maigreur chez ces filles ! », « quelle audace chez ce créateur », « t’as vu Deneuve au premier rang ? elle a pris non ? », « attends, je suis très amie avec la rédactrice en chef de Vogue », « Vogue US ou Vogue France ? » ; « pffff, Vogue Japon of course ! ».
Jouer du coude pour atteindre le premier rang des défilés, se faire voir, se montrer, interviewer les créateurs et les créatrices, se pavaner devant de jeunes espoirs sans espoir. Vivre par procuration la vie de ces mannequins surpoudrés du visage aux sinus. A priori, c’est pas une vie, maintenant, si votre épanouissement passe par ce type de milieu , inclinons-nous, mais attention, même si elle est internationale et dorée, la routine des collections et des défilés peut vite devenir insupportable.


Journaliste pages consos :

Je ne vais pas m’étaler sur ce type de journalisme qui quoiqu’il arrive ne justifie pas d’avoir fait ne serait-ce que 6 semaines d’études de journalisme.
Un journaliste de pages consos se reconnaît à son bureau.
C’est un peu la foire à tout du marché du coin.
Du presse-purée au tapis souris ergonomique dictaphone, toutes les conneries s’accumulent sur le bureau.
Aucun intérêt à moins de décrocher ce boulot vers 12 ans. Là oui ça vaut le coup !
Journaliste pages consos, c’est nul. A part pour nos pauvres attachées de presse, obliges de se les coltiner. Nous pensons à vous.

Journaliste people :

Le journaliste people est un peu trop décrié.

Parce qu’entre nous, il prend à peu près les mêmes risques que le grand reporter dans la mesure où il peut se recevoir des avoinées de gardes du corps ou de peoples pas contents, des sévères qui l’envoient à l’hopital ! Il peut tomber d’un arbre où il était caché, il peut faire un malaise en fouillant les poubelles de stars, il peut avoir des accidents de scooter en poursuivant un candidat malheureux à un télé-crochet, il se met vraiment en danger le journaliste people.
Sauf que lui, quand il se fait casser la gueule ou qu’il se fait écraser par une voiture et qu’il meurt, tout le monde est d’accord pour dire qu’il l’avait bien cherché et que c’est bien fait pour sa gueule ! Pas de JT, pas d’hommages, pas de ministre, pas de photo de la famille, pas de cercueil au Bourget, rien du tout !

Alors qu’il a juste fait comme le grand reporter.

Après il s’agit juste d’une échelle de valeurs : Doit-on considérer que débusquer un chef de guerre au fin fond de l’Afghanistan pour se render compte en fin d’histoire que le type était en fait acheté par les rouges ou les blancs est plus valorisant et prestigieux que de surprendre un  footballeur au sortir d’un bar à putes  ? Mouais, à voir. Si le journaliste est là pour vraiment raconter des histoires qui passionnent le public, alors il ne faut pas tirer de conclusions trop hâtives.
En tout cas, si vous voulez que tout le monde vous méprise pour votre métier de fouille-merde, allez-y, foncez. Mais si vous avez un minimum d’estime pour vous même, optez pour autre chose.

Journaliste voyages :

Voilà, il est là le bon plan ! Journaliste voyages ou tourisme !
Votre job ? tester tous les nouveaux hôtels, tous les nouveaux sièges classe affaire de toutes les compagnies du monde, tous les services les plus luxueux juste pour écrire quelques lignes sur le nouveau resort de Bora Bora ou des Maldives, la dernière dépose en hélico sur les montagnes les plus belles du monde, essayer les trucs les plus incroyables et visiter les zones les plus extraordinaires du globe.

Nicolas Hulot avec Ushuaïa, à côté, c’est un barreur de péniche entre Le Havre et Asnières !

Votre vie ? les lounges d’aéroports, les plus beaux hôtels, les plus belles plages, les meilleures tables , votre vie, ce sont des vacances.
Je fais un écart dans cet ouvrage qui vise essentiellement à vous décourager d’exercer un métier, mais là, foncez !

Saauuuuuuf….sauf si vous avez une famille.

Le jour où votre mari , qui trime comme un malade dans une boîte d’informatique, rentre à la maison et vous annonce : chérie, le week end prochain, je t’emmène à New York pour un week end en amoureux dans un nouvel hôtel exceptionnel !

Si vous tenez à votre couple, ne lui répondez pas :
« Oh non s’il te plaît, pas New York, pas d’hôtel, tu préfères pas qu’on aille passer 3 jours chez ta mère dans l’Yonne ? »
Il pourrait mal le prendre.
Donc journaliste voyage, oui, mais pas de famille.
C’est une contrainte. Mais dans la vie, faut faire des choix !

Bon ça va aller pour les journalistes, après, pour ne pas avoir à développer toutes les formes de journalisme, je peux dire si je veux qu’on ne rêve pas de devenir journaliste politique à se cogner les serreurs de louches toute la journée, à copiner avec ces séducteurs gros niqueurs sportifs, ni journaliste économique à se taper des listes entières de cours de bourses chaque jour, on peut vouloir devenir journaliste de musique ou de cinéma, si on peut en vivre pourquoi pas, ou critique littéraire, catégorie dont je ne dirai pas de mal, ils s’en chargeront le cas échéant pour moi. Sans nul doute.

Mais dans l’ensemble, plutôt que de raconter la vie des autres et d’essayer d’en croquer un peu, tentez l’aventure dans des disciplines dont vous serez les acteurs principaux . Et ne vous contentez pas comme aboutissement de votre carrière d’être invités sur un plateau télé entourés d’autres éminents éditorialistes pour vous écouter parler et vous persuader vous même que votre parole est utile pour le monde.

C’est d’un chiant pour les autres !

Mais à ce moment là, les autres, ça fera bien longtemps que vous ne leur accorderez plus la moindre importance.

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